Jake Bugg : Beauté sauvage

Le deuxième album de Jake Bugg confirme le talent de ce jeune chanteur fascinant.

Jacques Vincent  • 9 janvier 2014 abonné·es

Un deuxième album est toujours un défi particulier. Encore plus grand quand il suit de près un premier essai remarquable, et remarqué, comme c’est le cas pour Jake Bugg. Mais ce dernier a assez d’atouts dans sa manche pour ne pas se laisser perturber par ce genre de considération : un talent d’écriture sensible, inventif, et une voix exceptionnelle capable d’exprimer un large éventail d’émotions. Sans compter la détermination de celui qui est sûr de la route qu’il s’est tracée.

Ce garçon qui n’a pas encore fêté ses 20 ans a donc aujourd’hui deux albums à son actif, dont le deuxième, sorti fin 2013, est produit par Rick Rubin, l’un des producteurs les plus en vue depuis deux décennies, célèbre pour avoir produit Public Ennemy et, plus récemment, Black Sabbath, après avoir accompagné les dernières années de Johnny Cash. Shangri La s’ouvre sur un rockabilly ébouriffant dans lequel Bugg évoque le Dylan des débuts, appuyant sur les rimes comme un chat sauvage plante ses griffes dans la chair. Autant par gourmandise que par atavisme. Les deux morceaux suivants sont du même bois mais tournent un peu à vide. Ce seront les seules faiblesses du disque. Avec « Me And You », pure et limpide, Jake Bugg retrouve ensuite toute l’ampleur, l’évidence et la plénitude de son jeune talent. On est pris dans un flot de guitares carillonnantes, de mélodies virevoltantes qui ne connaissent que le ciel comme limite.

Et puis arrive « All Your Reasons » , les flots enflent, le rythme est devenu lourd et lent, les guitares suintent d’une électricité vaillante. C’est Neil Young qu’on évoque. Pour un moment, le disque s’arrête là, tellement on a envie d’écouter « All Your Reasons » en boucle. À la reprise, les guitares de « Kingpin » sont encore plus rudes, mais l’électricité laisse rapidement la place aux guitares acoustiques. Jusqu’au finale, c’est une alternance de moments de recueillement solitaires et d’autres plus enlevés. Avec, à chaque instant, cette façon aussi fascinante qu’émouvante qu’a Jake Bugg d’habiter ses chansons, de s’engager voix et âme dans chaque note et chaque mot. En fin de compte, ce disque aurait pu, empruntant le titre d’une des chansons, s’intituler « Simple Pleasures ». Plaisirs simples, pas nouveaux non plus, mais tellement rares aujourd’hui.

Musique
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