Jean-Marie Le Méné : l’éminence grise des pro-life
Président de la Fondation Jérôme-Lejeune, représentant d’une frange dure de catholicisme, Jean-Marie Le Méné a pris la tête de l’armée des opposants à l’avortement et l’euthanasie.
dans l’hebdo N° 1288 Acheter ce numéro
Dans la guerre contre l’avortement, il compte parmi les gradés. Jean-Marie Le Méné préside la Fondation Jérôme-Lejeune. Une « fondation scientifique et médicale » reconnue d’intérêt public, a-t-il précisé le 19 janvier, lors de la conférence de presse organisée par la Marche pour la vie, dont il est l’un des leaders. « Nous nous occupons des enfants handicapés, particulièrement de ceux atteints de trisomie 21. » Cette maladie, c’est son créneau, sa spécialité, son alibi. En 2009, il a publié La trisomie est une tragédie grecque (Salvator). L’histoire de la découverte en 1959 par Jérôme Lejeune – dont Jean-Marie Le Méné a épousé l’une des filles, Karin, sœur de Clara Gaymard – d’un chromosome supplémentaire sur la paire 21 : le trisomique n’est pas dégénérescent, il est atteint d’une maladie. Pour Jean-Marie Le Méné, les enfants trisomiques sont victimes de « discrimination génétique » et « exterminés » puisque « 97 % de ceux diagnostiqués comme tels sont avortés » .
Né à Versailles en 1956 , Jean-Marie Le Méné est magistrat à la Cour des comptes et membre du Conseil pontifical pour la santé, de l’Académie pontificale pour la vie et probablement de l’Opus Dei, comme son beau-père. Père de neuf enfants, il manie le latin avec l’aisance de ceux qui suivent encore la messe dans cette langue. Mais, d’après le biologiste Jacques Testart, président de la Fondation Sciences citoyennes, politiquement à l’opposé de la Fondation Jérôme-Lejeune, il « sait séparer ses actions militantes de l’information objective ». Le site genethique.org, où il édite la revue de presse la plus pointue de France en matière de bioéthique, en est peut-être le meilleur exemple. Le lobbyiste a des arguments à son arc. D’autant que le dépistage de la trisomie en début de grossesse fait l’objet d’une polémique jusqu’au Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Mais du débat légitime sur l’avortement thérapeutique « abusif » à la guerre contre le droit à l’avortement, il y a un cap. Bon communicant, il est devenu l’interlocuteur n° 1 des « pro-life » et est reçu comme l’éminence grise des mouvements anti-avortement et anti-euthanasie, au Conseil d’État ou à l’Assemblée comme dans les médias. En juin 2013, dans Politique magazine, il accusait le CCNE de vouloir « parfaire un système déjà profondément eugéniste » en permettant la recherche sur l’embryon quand lui défend des alternatives thérapeutiques fondées sur la chimie et l’utilisation d’embryon animal. Ce qui fait que certains scientifiques critiques acceptent de dialoguer avec lui. Pour d’autres, « c’est un homme dogmatique et intolérant ».
Représentant d’une frange dure du catholicisme, Le Méné suscite en effet la méfiance dans ce milieu de la recherche où il est très actif. En 2008, il a cofondé Novus Sanguis, un consortium européen de recherche sur les cellules souches adultes et issues de sang de cordon. En 2009, il a créé un master Jérôme-Lejeune de bioéthique. Il est également présent dans l’espace public : il administre Liberté politique, le site de la Fondation de service politique, think tank créé en 1992 qui invite « les chrétiens de tous horizons à promouvoir les valeurs fondatrices de la civilisation judéo-chrétienne ». Et une fois par mois il anime un « Libre Journal » sur Radio courtoisie. Le 21 juin 2013, il consacrait l’émission à la résistance à la loi Taubira. Le 3 janvier dernier, il battait le rappel pour la Marche pour la vie. « C’est une guerre totale qui est menée non seulement contre la famille mais contre la nature humaine et sa liberté, lançait-il pour légitimer la Manif pour tous et Jour de colère. En détruisant l’enfant, on détruit la famille ; en détruisant la famille, on place l’individu tout seul face à l’État et au marché. Le totalitarisme est ad portas. »