La «théorie du genre», cet épouvantail qui fait frémir les réacs
L’appel au boycott contre un supposé enseignement de la « théorie du genre » à l’école, relayant de fausses rumeurs, poursuit la construction dans les discours d’un ennemi imaginaire.
Lundi 27 janvier, une centaine d’écoles étaient perturbées par un absentéisme inhabituel des élèves. Ce n’est pas la grippe, pas la gastro-entérite, mais l’imaginaire «théorie du genre» qui est en cause, ou plutôt ceux qui la dénoncent comme une idéologie dangereuse pour notre société.
Un appel au boycott relayé par SMS et réseaux sociaux enjoignait les parents à garder leurs enfants à la maison, pour protester contre un enseignement supposé de la «théorie du genre» à l’école, introduit par le dispositif «ABCD de l’égalité» . Ce programme d’enseignement contre les stéréotypes, lancé par le ministère de l’Éducation nationale et le ministère des Droits des femmes, est en expérimentation depuis le mois de septembre dans 10 académies.
De la masturbation dès la crèche ?
Initiée par Farida Belghoul, proche de l’essayiste d’extrême droite Alain Soral, cette campagne pourrait être risible si la désinformation diffusée n’avait pas été prise au sérieux par de nombreux parents.
« Le choix est simple, soit on accepte la “théorie du genre” (ils vont enseigner à nos enfants qu’ils ne naissent pas fille ou garçon mais qu’ils choisissent de le devenir !!! Sans parler de l’éducation sexuelle prévue en maternelle à la rentrée 2014 avec démonstration et apprentissage de la masturbation dès la crèche ou la halte-garderie…), soit on défend l’avenir de nos enfants. »
En réponse, le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, a assuré que la « théorie du genre » n’était pas enseignée à l’école, car le ministère « la refuse » . Il a également souhaité, mercredi, que les parents ayant retiré leurs enfants des écoles soient convoqués par les chefs d’établissement, ceci afin de leur expliquer « la réalité des choses » .
La théorie du genre, un ennemi imaginaire
Si l’on parle de « réalité des choses » , serait-il utile de rappeler au ministre que cette « théorie du genre » qu’il « refuse » n’existe pas ? Ce qui existe, ce sont des « études de genre » , un champ de recherche universitaire sur les stéréotypes et les identités sociales, grossièrement caricaturé en idéologie « dangereuse » par les inventeurs de l’épouvantail « théorie du genre » .
Le problème, c’est qu’à trop employer cette appellation, non seulement les travaux de nombreux chercheurs sont discrédités, mais la « théorie du genre » devient un ennemi imaginaire qui fédère contre lui, prétexte à toutes les peurs.
« La “théorie du genre” devient finalement le support d’un discours politique beaucoup plus large qui, en fait, veut remettre en cause les fondements de la modernité » , explique Romain Carnac, doctorant en science politique à l’École pratique des hautes études (EPHE).
La théorie du genre n’existe pas, mais elle fait figure de démon dans les rangs de la Manif’ pour tous, du Jour de colère ou des manifestations anti-avortement.
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