« Lulu femme nue », de Solveig Anspach : Les chemins de la liberté
Avec Lulu femme nue , Solveig Anspach offre un merveilleux rôle à Karin Viard.
dans l’hebdo N° 1286 Acheter ce numéro
Il y a une trentaine d’années, Dorothée Letessier avait publié le Voyage à Paimpol, roman autobiographique, qui racontait la fugue d’une ouvrière en mal d’oxygène. En adaptant la bande dessinée d’Étienne Davodeau, Lulu femme nue, Solveig Anspach a repris ici le même ressort initial, à ceci près que le « voyage » de Lulu (Karin Viard), femme au foyer, se déroule à Saint-Gilles-Croix-de-Vie. Lulu femme nue est l’histoire d’une métamorphose. Dans les premiers plans, Lulu passe un entretien d’embauche, tendue, inhibée, friable. Lulu est comme encore trop de femmes résignées à subir leur quotidien, entre mari négligeant et enfants exigeants. Mais un petit grain de sable l’a fait basculer dans un autre espace-temps. Elle se déleste soudain de ses responsabilités familiales, des charges qui lui incombent. Dès lors, tous les chemins qu’elle emprunte sont de traverse. Lulu femme nue ressemble à un road-movie dont la route serait métaphorique. Lulu fait des rencontres. Tout d’abord, un homme, Charles (Bouli Lanners), dont elle tombe amoureuse (c’est réciproque). Puis Marthe, une vieille dame « indigne » (Claude Gensac), trop seule pour la générosité qu’elle a à dispenser. Lulu femme nue est aussi un conte. Sans doute un peu moins excentrique que Queen of Montreuil, le précédent et réjouissant film de Solveig Anspach, mais avec une dose certaine de fantaisie. Ici, ce sont les deux frères de Charles (Pascal Demolon et Philippe Rebbot), sorte d’anges gardiens burlesques, là un ancien modèle de Citroën (une Ami 6) qui prend des allures de Rolls-Royce.
Le temps de sa fugue, Lulu élargit ses horizons. Elle retrouve sa capacité à ressentir ; elle redécouvre son corps et le sentiment d’être belle parce que regardée par un homme amoureux. En s’offrant de nouveau à la vie, Lulu s’ouvre aussi aux autres. En particulier à Marthe, dont elle devient l’amie, la confidente, la soignante. Lulu s’oublie avec Marthe, non dans le sacrifice de soi – ce qui était jusqu’ici son cas –, mais dans le don à l’autre. Solveig Anspach a offert un merveilleux rôle à Karin Viard, avec qui elle avait déjà tourné son premier film de fiction, Haut les cœurs !, en 1999. On est heureux de retrouver une Karin Viard débarrassée de ses automatismes comiques, qui ont trop souvent résumé son jeu ces derniers temps. D’une certaine façon, la comédienne et son personnage marchent ici de concert, vers une direction enviable : la liberté.
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