Notre-Dame-des-Landes : le bocage en piste pour la riposte
Alors que la préfecture a autorisé les travaux, les opposants s’apprêtent à résister pour sauver l’écosystème.
dans l’hebdo N° 1288 Acheter ce numéro
Actions sur le terrain, mobilisation des réseaux de soutien dans toute la France, plaintes auprès des tribunaux : les semaines qui viennent promettent d’être animées à Notre-Dame-des-Landes. Les travaux de l’aéroport ont reçu le feu vert du préfet de Loire-Atlantique, qui a signé en décembre dernier deux décrets mettant le projet en conformité avec les lois sur l’eau et la protection des espèces. Des autorisations que les opposants – agriculteurs, élus et occupants de la zone – contestent avec véhémence. « Ici, la mobilisation n’a pas faibli d’un poil. Nous sommes même beaucoup mieux structurés qu’avant l’opération policière de l’année dernière, affirme Julien Durand, porte-parole de l’association Acipa, pilier de la résistance. Plus de deux cents personnes se sont déplacées pour assister à l’assemblée des comités de soutien, nous n’en attendions que la moitié. Les réseaux ont très vite réagi à notre appel. » Les opposants entendent occuper physiquement le terrain pour entraver le mouvement des machines et préparent pour le 22 février une grande manifestation sur le site, promettant de mobiliser des milliers de personnes en France.
Par ailleurs, la guérilla juridique est loin d’être parvenue à son terme. Une demande d’annulation des deux décrets sera déposée le 3 février auprès du tribunal administratif de Nantes, soutenue par plusieurs avocats et juristes en passe de se constituer en collectif pour défendre les opposants. Le comité scientifique mis en place par les autorités après juin 2012 avait livré, en avril dernier, son avis sur les mesures de compensations environnementales proposées par Aéroport du Grand Ouest (AGO), porteur du projet. Il comportait douze réserves et recommandations. « Nous constatons que rien ou presque n’a bougé depuis », commente Julien Durand. Les anti-aéroport ont des munitions nouvelles. Naturalistes en lutte contre le projet d’aéroport, un collectif de près de deux cents bénévoles, dont une bonne cinquantaine de biologistes professionnels, a passé une année à arpenter les 2 000 hectares de la zone pour établir une contre-expertise de l’état des lieux écologique qu’AGO a fait réaliser. « Un bilan accablant », conclut le collectif, qui dénonce « les mensonges » des promoteurs.
L’inventaire des espèces révèle des lacunes systématiques, dans les comptages comme dans la pertinence des périodes d’investigation. Habitats, végétaux, poissons, amphibiens, oiseaux, reptiles : sur tous les postes, les naturalistes ont recensé des oublis. Concernant les invertébrés, ils ont ainsi inventorié plus de 600 espèces, « dont de nombreuses sont rares », quand le bureau d’étude mandaté par AGO n’en a repéré que 71. Comme la loi sur l’eau l’y oblige, le maître d’ouvrage doit reconstituer plus loin les aires qui auront été détruites par le projet. Mais la méthode retenue n’a pas été validée par le comité scientifique « et elle n’a pas évolué », constate Julien Durand. Il est par ailleurs proposé de déplacer quelques espèces pour les sauver, « mais cela reste marginal et expérimental, souligne Yves Riou, membre du collectif de naturalistes. Et puis notre contre-expertise a surtout révélé l’originalité de cet écosystème de zones humides, d’une grande richesse écologique, et dont il est vain d’imaginer que la perte pourrait être contrebalancée. » Commentaire des naturalistes : « C’est comme si l’on prétendait compenser la destruction du château de Chambord par le nettoyage de Notre-Dame-de-Paris ! Le projet d’aéroport, c’est la disparition de l’un des derniers bocages humides de l’Ouest de la France. »