Revoilà la « Ligue de défense juive »
Des affrontements ont eu lieu hier dans le quartier du théâtre de Dieudonné, une semaine après l’apparition d’un tag sans équivoque sur la devanture d’une librairie liée au mouvement propalestinien.
Place de la Bastille, jeudi soir. Plusieurs organisations extrémistes juives ont cru bon de venir manifester leur opposition à Dieudonné et entonner des slogans favorables à Israël, à quelques rues du théâtre de la Main d’or, où se produit « l’humoriste »[^2]. Parmi les centaines de manifestants, on comptait quelques drapeaux de la Ligue de défense juive (LDJ), une « milice » sans existence formelle, connue pour ses agressions ciblées envers plusieurs militants de la cause palestinienne.
L’important dispositif policier n’a pas permis d’empêcher complètement les violences entre une partie des manifestants et des petits groupes de soutien à Dieudonné venus contre-manifester. Bilan officiel : une cinquantaine d’arrestations « pour manifestation non déclarée et à des fins de vérification d’identité » sont enregistrées en fin de soirée par l’AFP. Selon le parquet de Paris, six personnes, dont 2 mineurs, ont été placées en garde à vue à la suite d’une rixe.
Voir la vidéo du Parisien :
Plusieurs témoins racontent aussi avoir vu des agressions. Et des images circulaient dès jeudi soir sur internet montrant des prises à partie de journalistes et des mouvements de foule.
Sur son compte twitter, la LDJ a officiellement appelé au calme. Elle claironnait pourtant quelques heures après le rassemblement, en revendiquant des violences :
16 janvier 2013, 22 h 48.
16 janvier 2014 à 23 h 11.
De nombreuses affaires en cours
La LDJ prône des représailles contre tous ceux qu’elle considère comme antisémites : aujourd’hui Dieudonné et les « quenelleurs ». Elle fait parler d’elle par périodes, en surfant le plus souvent sur l’actualité du conflit israélo-palestinien, et s’est notamment illustrée par plusieurs agressions de militants début 2009, au moment de l’opération « Plomb durci » et des bombardements sur la bande de Gaza.
Sa dernière période de forte activité remonte à l’été 2011, avec une série d’agressions et de menaces contre des militants propalestiniens :
-*Olivia Zemor, présidente de CAPJPO-Europalestine et organisatrice de l’opération « Bienvenue en Palestine », recouverte de peinture rouge collante le 28 juin 2011 sur la place de la Bastille, à Paris. Une action revendiquée sur le net par la LDJ.
-*Jacob Cohen, écrivain antisioniste, agressé selon le même procédé le 5 juillet 2011 à quelques centaines de mètres de là.
-*Houria Bouteldja, porte-parole du Parti des indigènes de la République, aspergée de peinture rouge le 24 octobre 2011.
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L’instruction est en cours pour ces trois affaires et plusieurs membres de la LDJ, clairement identifiés, devraient être inquiétés. On attend également le procès des deux responsables présumés de l’explosion d’un petit engin sous le véhicule d’un journaliste et militant le 13 septembre 2011.
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Après ces quatre agressions, le groupuscule n’avait plus fait parler de lui pendant de longs mois. « Lorsqu’il y a des gardes à vue et des contrôles judiciaires, cela calme leurs ardeurs , observe un proche de ces dossiers. Mais ils se regonflent lorsque les affaires piétinent » .
La LDJ refait surface depuis l’éclosion médiatique de « l’affaire Dieudonné » en se rendant aux procès de ce dernier et en relayant les appels à la « chasse aux quenelleurs ». Elle prend cette fois le soin de nier officiellement tout lien avec les agressions, comme à Lyon, après les deux expéditions punitives du 21 et du 22 décembre qui ont conduit six personnes en garde à vue.
Une énième fois, le rideau de fer de la librairie Résistances, liée à Olivia Zémor et aux militants propalestiniens, a été tagué dans la nuit du 7 au 8 janvier avec un message sans équivoque :
Devant les tribunaux, les acteurs de la « mouvance LDJ » n’ont aucune difficulté à nier leur sympathie pour l’organisation, qui n’a ni membres ni leaders officiels. Malgré des liens établis de longue date au sein du petit réseau et les demandes répétées de dissolution du groupe par ses victimes, les tribunaux ne retiennent pas le caractère politique des violences physiques.
Comme le Mrap en 2002 ou un collectif d’associations en 2012, de nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour demander la dissolution de la LDJ en tant que « groupement de fait », dont les équivalents sont interdits aux États-Unis et… en Israël.
Malgré des menues avancées au lendemain des agressions de l’été 2011, l’exécutif n’a jamais donné suite à ces demandes.
[^2]: Le Collectif Haverim, le BNVCA, le Betard, la Ligue de défense juive répondaient à un appel lancé fin décembre par l’association Europe-Israël.
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