Soins palliatifs, la fin d’un tabou ?
Après la conférence de citoyens sur la fin de vie, on a beaucoup parlé de la légalisation de l’euthanasie, moins de la médecine palliative. Il est pourtant urgent de la développer massivement.
dans l’hebdo N° 1285 Acheter ce numéro
Les soins palliatifs érigés en cause nationale, c’est possible ? Le 16 décembre 2013, la conférence de citoyens sur la fin de vie s’est prononcée pour un droit au suicide assisté et des exceptions d’euthanasie (voir Politis n° 1282). Ces préconisations ont été abondamment relayées parce qu’elles vont beaucoup plus loin que celles rendues notamment par le Comité consultatif national d’éthique. Pour autant, elles ne figuraient pas en tête de l’avis de la conférence de citoyens, réclamant un développement massif des soins palliatifs. L’information n’a pas frappé tant il est de bon ton de défendre les soins palliatifs a priori. Mais rendre égalitaire l’accès à ce type de protocole constituerait une petite révolution. D’une part, car cela impliquerait une décision politique et financière ambitieuse. D’autre part, parce que ces soins sont mal connus et encore largement tabous. « Seules 20 % des personnes qui devraient bénéficier de soins palliatifs y ont accès, avec en outre des disparités territoriales », écrit la conférence de citoyens. « Plus exactement, une personne en fin de vie sur deux n’a pas accès à un professionnel compétent en soins palliatifs », corrige le docteur Vincent Morel, président de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP).
Et pour cause : en France, l’enseignement en faculté de médecine ne compte que cinq professeurs associés de médecine palliative. Et les étudiants ne suivent qu’une dizaine d’heures de cours sur cette question durant leurs études. D’où une césure entre médecine curative et médecine palliative, d’ailleurs dénoncée par le panel de citoyens. « Les soins palliatifs demeurent “le parent pauvre” du système, pour lequel les perspectives de financement ne sont pas assurées à la mesure des enjeux démographiques des vingt prochaines années. » Via un programme national 2008-2012, les soins palliatifs se sont développés ces dernières années. « Cependant, ils restent encore trop limités dans leur diffusion et leur pratique », souligne la SFAP, qui préconise de mettre l’accent sur la formation des professionnels et l’information du public. Les membres de la conférence ont insisté sur la nécessité que chacun fasse connaître ses directives anticipées (en prévision d’un accident ou d’une maladie qui empêcherait de s’exprimer sur le traitement que l’on souhaite recevoir). Ils ont insisté sur le droit à la sédation « dès lors qu’il existe une suspicion de souffrance ». Et ont rappelé l’importance de reparler de la mort dans une société qui l’a occultée. « Au XXe siècle, la médecine s’est développée avec l’ambition de tout maîtriser, rappelle Vincent Morel. La mort est toujours vécue comme un échec médical. » Les soins palliatifs devraient intervenir dès que l’hypothèse de la mort se profile, et même si l’issue est finalement la rémission. Ils consistent en une prise en charge globale incluant un volet social (quelle sera la situation des proches après le décès ?), psychologique, familial et spirituel « sans forcément être religieux », ajoute Vincent Morel, pour qui « on devrait disposer d’un triptyque : médecine préventive, curative et palliative ». Pour ce faire, l’objectif ne serait pas d’équiper tous les hôpitaux en unités spécialisées, mais d’accroître le nombre de professionnels compétents, notamment ceux qui interviennent à domicile et dans les centres médico-sociaux.
Combien cela coûterait ? « Difficile de chiffrer », répond Vincent Morel, qui voudrait voir cette question replacée dans une réflexion générale sur la pertinence des soins. « Combien coûte l’acharnement thérapeutique ? Sait-on que certaines opérations pas absolument utiles coûtent l’équivalent d’un poste d’infirmière dans un établissement pour personnes âgées dépendantes (Ephad) ? » Deux autres pistes selon lui : développer l’aide aux aidants, soit les proches qui accompagnent une personne en fin de vie, et améliorer certains passages techniques de la loi Leonetti, qui ne répond pas à toutes les situations. Ce dernier point présente le plus de chances d’aboutir : c’est la partie la plus médiatique.