Italie : « Renzusconi », l’élu des patrons

Ayant obtenu la chute du gouvernement Letta, Matteo Renzi va former le nouvel exécutif.

Olivier Doubre  • 20 février 2014 abonné·es

Le gouvernement Letta est tombé jeudi 13 février. À la tête d’un gouvernement « contre-nature » alliant des représentants du pâle Parti démocrate (PD, centre-gauche), des centristes du très libéral ancien président du Conseil, Mario Monti, et des berlusconiens dissidents ayant préféré lâcher le Cavaliere pour des maroquins ministériels, le démocrate-chrétien Enrico Letta (membre du PD) avait été nommé faute de mieux. Son parti, en tête aux élections de février 2013, avec seulement 29,5 % des suffrages, n’avait pas de majorité au Sénat et avait dû négocier avec le centre et une partie de la droite. Président du Conseil depuis le 24 avril 2013, Enrico Letta n’a jamais brillé par une politique ambitieuse, se contentant d’appliquer l’austérité voulue par la Commission européenne. Il vient d’être désavoué par son parti par la volonté de l’ambitieux Matteo Renzi, devenu secrétaire du PD grâce à des primaires remportées en décembre dernier. Celui-ci a été appelé, lundi 17 février, à former le nouveau gouvernement.

Depuis plusieurs mois, Renzi, jeune homme pressé de 39 ans et maire de Florence depuis 2010, n’a cessé d’attaquer Enrico Letta, ne cachant pas sa volonté de prendre sa place. Pour autant, personne ne sait exactement ce que veut faire concrètement Renzi. Populaire, mais surtout populiste, adepte de la politique spectacle, il occupe constamment les plateaux de télévision, ce qui lui a valu le surnom de « Renzusconi ». Jouant d’un style supposé branché, il a multiplié les déclarations, mais sans grand contenu. Son programme, social-libéral mais surtout très vague, se limite pour l’instant à vouloir « réformer le marché du travail » et les institutions de la Constitution de 1947 en renforçant l’exécutif. Ce qui est certain, c’est qu’il soumettra l’Italie à une nouvelle cure d’austérité et privatisera bon nombre d’entreprises publiques.

Pourtant, la rapidité de la démission d’Enrico Letta, annoncée jeudi 13 février dans la soirée, a surpris. Elle montre l’emprise de Renzi sur le Parti démocrate, où, en à peine deux mois, il a débarqué les derniers dirigeants encore issus de l’ex-PCI et s’est entouré de jeunes démocrates-chrétiens comme lui. S’apprêtant à gouverner avec les mêmes formations centristes et de droite que son prédécesseur, il ne semble pas trop gêné de devenir président du Conseil sans consultation des électeurs, alors qu’il avait toujours déclaré qu’il excluait de procéder ainsi. L’arrivée au pouvoir de Renzi est en fait un jeu de chaises musicales dans les allées du pouvoir. Elle a été fortement souhaitée par la Confindustria (le Medef italien) – avec laquelle il entretient d’ailleurs de nombreux contacts –, qui pense sans doute le Florentin plus à même de faire la politique qu’elle désire.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« Pour Trump, les États-Unis sont souverains car puissants et non du fait du droit international »
Vidéo 17 janvier 2025

« Pour Trump, les États-Unis sont souverains car puissants et non du fait du droit international »

Alors que Donald Trump deviendra le 47e président des Etats-Unis le 20 janvier, Bertrand Badie, politiste spécialiste des relations internationales, est l’invité de « La Midinale » pour nous parler des ruptures et des continuités inquiétantes que cela pourrait impliquer pour le monde.
Par Pablo Pillaud-Vivien
Avec Donald Trump, les perspectives enterrées d’un État social
Récit 17 janvier 2025 abonné·es

Avec Donald Trump, les perspectives enterrées d’un État social

Donald Trump a promis de couper dans les dépenses publiques, voire de supprimer certains ministères. Les conséquences se feront surtout ressentir chez les plus précaires.
Par Edward Maille
Trump : vers une démondialisation agressive et dangereuse
Analyse 17 janvier 2025

Trump : vers une démondialisation agressive et dangereuse

Les règles économiques et commerciales de la mondialisation ayant dominé les 50 dernières années ont déjà été fortement mises en cause. Mais l’investiture de Donald Trump va marquer une nouvelle étape. Les échanges économiques s’annoncent chaotiques, agressifs et l’objet ultime de la politique.
Par Louis Mollier-Sabet
À Hroza, en Ukraine, les survivants tentent de se reconstruire
Reportage 15 janvier 2025 abonné·es

À Hroza, en Ukraine, les survivants tentent de se reconstruire

Que reste-t-il quand un missile fauche 59 personnes d’un petit village réunies pour l’enterrement d’un soldat ? À Hroza, dans l’est de l’Ukraine, les survivants et les proches des victimes tentent de gérer le traumatisme du 5 octobre 2023.
Par Pauline Migevant