La culture menacée (À flux détendu)
En France, les menaces qui pèsent sur la culture témoignent d’un climat mauvais.
dans l’hebdo N° 1292 Acheter ce numéro
L’état de la culture est un baromètre. Qui indique si les sociétés sont aptes à voir leurs horizons s’élargir, si les gouvernants sont inspirés par un idéal de liberté et ont pour politique le partage par le plus grand nombre d’une réflexion sur la condition humaine. En France, les menaces qui pèsent sur la culture témoignent d’un climat mauvais. L’idée que l’on se fait du « rôle » des œuvres d’art s’étrécit. Sur la culture, la parole politique est désincarnée, quand elle n’est pas misérablement poujadiste, et les crédits publics s’amenuisent. Les censures administratives, juridiques, économiques – spectaculaires ou sournoises –, et les autocensures – invisibles – s’amoncellent. Les pressions montent pour régenter ce qui précisément émancipe. C’est l’affligeant Copé sur Tous à poil !, Nymphomaniac 2 interdit au moins de 18 ans, la campagne contre le film Tomboy, une manifestation organisée à La Roche-sur-Yon contre un spectacle chorégraphique « décadent » (sic)… La liste s’allonge chaque semaine. Pendant ce temps, les annexes 8 et 10 régissant l’assurance chômage des intermittents sont sur la sellette des négociations en cours. Et le Medef déclare vouloir purement et simplement les supprimer. Nicolas Sarkozy érigeait la vulgarité en guise de trait d’esprit et de marque de civilisation. François Hollande est un trou noir pour la culture. Un courrier, à l’initiative de Jack Ralite, signé par des centaines d’artistes et de professionnels, l’interpelle, où il est dit : « Nous craignons le risque du pire dans la demeure culturelle. » Ceux qui prennent cela à la légère ont tort. La culture, « un supplément d’âme » ? Non, c’est l’âme elle-même. Ou, selon des mots puisés dans le livre de Mariana Otero accompagnant son dernier film, À ciel ouvert, la culture est nécessaire « pour la rencontre de ce que l’on ne peut pas dire, de ce que l’on n’arrive pas à cerner, de ce qu’on ne sait pas ».