La transition énergétique créerait 600 000 emplois
Une politique privilégiant les renouvelables et la baisse de la consommation générerait en France une importante activité non délocalisable.
dans l’hebdo N° 1289 Acheter ce numéro
Le chantage à l’emploi est une figure récurrente du débat sur l’avenir industriel. Exemple fin 2011, quand Henri Proglio, le patron d’EDF, agite le spectre d’une perte sèche d’un million de postes en cas de décision de sortir du nucléaire – filière dont l’avenir était alors au cœur des négociations électorales entre le Parti socialiste (PS) et Europe Écologie-Les Verts (EELV). Une projection irréaliste, critiquée jusque dans le milieu pronucléaire : Proglio incluait, entre autres, la disparition d’emplois à venir, générés par un hypothétique bond des exportations de l’industrie nucléaire française. Une étude commandée par le constructeur de centrales Areva après la catastrophe de Fukushima pour étayer l’importance économique du nucléaire en France attribuait à la filière 239 000 emplois directs et indirects (sous-traitance).
L’avènement de « l’agroécologie » – une agriculture plus respectueuse de l’environnement sans perte de compétitivité, et décrite par Stéphane Le Foll comme une révolution du calibre de la Politique agricole commune (PAC) – est loin de satisfaire la Confédération paysanne. « Et combien de paysans, à terme ? », renvoie le syndicat au ministre de l’Agriculture. Pas de réponse.
En 1955, l’agriculture employait en France 6,2 millions de personnes, soit 31 % de la population active. Un demi-siècle plus tard, cette part a été divisée par dix. L’agriculture n’occupe plus qu’un million de personnes (et pas toutes à temps plein), sur moins de 500 000 exploitations, une division par cinq. Un laminage organisé par la PAC, qui a incité à la concentration des exploitations, favorisant les plus grandes et les plus productives à l’hectare, sans considération ou si peu pour l’emploi. Face à une agriculture largement industrialisée, avide de marchés à l’exportation, le syndicat paysan préconise un modèle économiquement viable où l’accroissement de l’emploi est un objectif. Relocalisation des productions, diversification, circuits plus courts, préservation des ressources naturelles… Il induirait aussi une revitalisation des campagnes, génératrice d’embauches.
Si le gouvernement Ayrault en est loin [^3], la cadence est cohérente avec celle qu’affiche NégaWatt, association regroupant des dizaines d’experts indépendants dans le domaine de l’énergie, et auteur d’un scénario pour 2050 – l’un des onze pris en considération par le Débat national sur la transition énergétique mené l’an dernier. En 2030, la rénovation pourrait créer 473 000 emplois, selon une étude confiée par NégaWatt à Philippe Quirion, du Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired-CNRS). Au total, le scénario de l’association, décortiqué sur quelque 80 postes, déboucherait sur un solde net total de 632 000 emplois créés d’ici à quinze ans [^4], dont plus de 80 % par effet induit (sous-traitance, développement de nouvelles activités, etc.). Bâtiment, installation et maintenance des systèmes à énergie renouvelable, services dans les transports collectifs, etc. : NégaWatt souligne par ailleurs que les emplois de la transition énergétique seront « permanents et majoritairement qualifiés », de surcroît peu délocalisables et bien répartis sur le territoire. C’est aussi le cas avec la conversion à l’agriculture biologique (20 % du territoire en 2020, objectif « Grenelle »), la construction de logement sociaux, la création de crèches et la prise en charge des personnes dépendantes, secteurs d’activité qui gonflaient la promesse d’Eva Joly à 981 000 emplois créés en 2020.
[^2]: En dix ans, l’Allemagne a créé près de 400 000 emplois dans les énergies renouvelables.
[^3]: Le programme Hollande vise la rénovation de 500 000 logements par an d’ici à 2017.
[^4]: Tenant compte de pertes dans les énergies non renouvelables, le bâtiment neuf, les transports routier (non collectif) et aérien.