Le Parlement à l’arrêt

Le non-cumul des mandats n’a pas encore mis fin aux « vacances parlementaires ».

Michel Soudais  • 26 février 2014 abonné·es

Fermés pour cause d’élections municipales. L’Assemblée nationale et le Sénat interrompent leurs travaux vendredi pour une durée de cinq semaines. Le vote de la loi interdisant le cumul des mandats n’a rien changé à cette pratique étrange, présentée comme une « tradition républicaine », qui consiste à interrompre les travaux des assemblées à chaque élection locale. Et pour cause…

Si l’interdiction de cumuler un mandat de député, sénateur ou député européen avec celui de maire d’une ville, ou président ou vice-président d’une intercommunalité, d’un conseil général ou régional, ou même membre du conseil d’administration d’une société d’économie mixte, est inscrit dans la loi depuis le 14 février, cette interdiction souhaitée par une large majorité de Français ne s’appliquera que pour les élections postérieures au 31 mars 2017. Les cumulards ont obtenu un sursis dont ils comptent bien profiter jusqu’au bout. François Rebsamen, président du groupe socialiste au Sénat, s’est ainsi vanté récemment de pouvoir « cumuler jusqu’en 2020 les fonctions de maire et de sénateur » si les électeurs lui renouvellent ces mandats en mars aux municipales et en septembre lors des sénatoriales. Actuellement, 60 % des parlementaires cumulent ce mandat avec une fonction exécutive locale, et rares sont ceux qui acceptent d’anticiper le nouveau régime. Parmi les 577 députés, 244 au moins veulent rester ou devenir maires. Parmi eux, 61 des 94 députés-maires socialistes et une vingtaine de députés PS qui rêvent de prendre les rênes d’une ville : Patrick Mennucci (Marseille), Nathalie Appéré (Rennes), Jacques Cresta (Perpignan), Vincent Feltesse (Bordeaux), Hélène Geoffroy (Vaux-en-Velin), Razzy Hammadi (Montreuil), Mathieu Hanotin (Saint-Denis), etc. Mais aussi l’écologiste Noël Mamère, qui souhaite rempiler à Bègles. Et les élus de droite, qui eux se sont opposés à l’interdiction des cumuls, ne sont pas en reste, les plus en vues étant Nathalie Kosciusko-Morizet à Paris ou Jean-Claude Gaudin à Marseille. Si l’on y ajoute ceux qui souhaitent continuer à être conseiller municipal – ce que permet la nouvelle loi –, plus de la moitié des effectifs du palais Bourbon et du palais du Luxembourg [^2] sont davantage préoccupés par leur campagne municipale que par l’activité parlementaire. D’où cette vacance du Parlement en mars.

Cette fâcheuse « tradition » n’est pas sans incidence sur le travail parlementaire où, déjà, plusieurs projets sont retardés faute de temps. Elle « accentue la “nationalisation” des scrutins locaux », déplorait également en 2010 le député PS Christophe Caresche ; de fait, elle permet aux ministres, engagés ou non, d’aller sur le terrain apporter leur soutien aux listes gouvernementales. Enfin, avec ce congé rémunéré supplémentaire, les cumulards bénéficient face à leurs concurrents d’un avantage d’autant plus injustifiable que la grande majorité des bénéficiaires s’affichent partisans d’une concurrence libre et non faussée.

[^2]: En 2012, tous mandats confondus, 82 % des députés et 77 % des sénateurs cumulaient au moins deux mandats électifs. Dans le reste de l’Europe, la proportion ne dépasse pas 20 % en moyenne.

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