Les coopératives, objectif marxiste…
Pierre Cours-Salies et Pierre Zarka invitent à relire le soutien affirmé de Marx et d’Engels aux coopératives ouvrières.
dans l’hebdo N° 1290 Acheter ce numéro
Sans doute du fait du collectivisme autoritaire du « socialisme réel » au cours du XXe siècle, un préjugé « largement répandu » voudrait que Marx et Engels, et au-delà les marxismes les plus orthodoxes, aient eu une « attitude hostile ou indifférente à l’égard du fait coopératif ». C’est pour défaire ces a priori erronés que le sociologue Pierre Cours-Salies et l’ancien directeur de l’Humanité Pierre Zarka sont partis à la recherche de textes des deux auteurs du Manifeste du parti communiste concernant le « fait coopératif ». Car dès le XIXe siècle, surtout au XIXe siècle, celui-ci est déjà bien une réalité, en dépit des « obstacles » que les « seigneurs de la terre et seigneurs du capital, se servant toujours de leurs privilèges politiques pour défendre et perpétuer leurs privilèges économiques », ne cessent de lui opposer. Une citation qui provient de la célèbre Adresse inaugurale de Marx au premier congrès de l’Association internationale des travailleurs (la dite « Première Internationale ») en 1864…
Certes, bien plus connu est l’objectif ultime, pour les auteurs du Capital (énoncé dans sa dernière partie), du mouvement ouvrier après la prise du pouvoir par la révolution et la phase, supposée temporaire, de la dictature du prolétariat : une société sans classes voyant bientôt la dégénérescence de l’État. Or, ce que vient montrer ce recueil de textes est le soutien, et même l’engouement, des deux penseurs pour cette forme d’organisation ouvrière que sont les coopératives, qualifiées par eux de « grandes expériences sociales ». Si Marx salue la victoire de la classe ouvrière dans la seconde moitié du XIXe siècle en matière de réduction du temps de travail avec le vote à la Chambre des Communes du « bill des dix heures », il n’hésite pas à parler du « mouvement coopératif » comme d’un « triomphe plus complet encore sur l’économie politique de la propriété ». Celui-ci a en effet montré « par des faits, non plus par de simples arguments, que la production sur une grande échelle et au niveau des exigences de la science moderne pouvait se passer d’une classe de patrons employant une classe de salariés ». Alors que l’on assiste aujourd’hui à un fort développement des coopératives ouvrières à travers le monde, notamment en Amérique latine mais aussi en France, comme le montre l’exemple des Fralib près de Marseille [^2], Pierre Cours-Salies et Pierre Zarka soulignent « l’intérêt de “revenir” à Marx et Engels » sur ce sujet. Car les coopératives sont, pour eux, une première étape possible vers le dépassement du système capitaliste, ayant montré que « comme le travail esclave, comme le travail serf, le travail salarié n’était qu’une forme transitoire et inférieure, destinée à disparaître devant le travail associé ».
[^2]: Voir le reportage d’Erwann Manac’h dans le n° 1289 de Politis, et sur www.politis.fr).