Stockage des déchets nucléaires : oui, mais…

La conférence de citoyens n’est pas opposée au projet d’enfouissement à Bure, mais elle estime son calendrier irréaliste.

Lena Bjurström  • 12 février 2014 abonné·es

Le centre de stockage profond réversible de déchets radioactifs (Cigéo) verra-t-il le jour à Bure ? La conférence de citoyens, réunie pour étudier ce projet mené par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), a jugé, le 3 février, qu’il n’y avait « pas urgence à se prononcer ».

C’est la conclusion d’un débat houleux lancé au printemps 2013 par la Commission nationale du débat public. Si la perspective de vivre au-dessus d’un « cimetière nucléaire » inquiète plus d’un citoyen à Bure (Meuse), c’est surtout le manque de précision du projet de l’Andra qui est dénoncé.

« On ne connaît ni le coût réel du projet, qui devait être de 35 milliards d’euros mais doit être réévalué, ni la quantité de déchets que l’agence compte stocker à Bure, ni la “réversibilité” de ce stockage », commente Benjamin Dessus, président de Global Chance, association d’experts de l’énergie. Un manque de précision souligné également par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), notamment concernant le volume de déchets qui devrait être enfoui.

Le « cimetière nucléaire » de Bure doit être mis en service en 2025. - VERHAEGEN/AFP

À cela s’ajoute la colère des opposants contre un projet qui semble avoir été décidé en amont, sans proposition d’alternative à l’enfouissement. En conséquence, le débat public s’est vu boycotté dès son lancement, à l’appel d’associations réunies autour de France nature environnement (FNE). Les deux premières réunions publiques ont été perturbées, et la suite du débat s’est déroulée essentiellement sur Internet.

En décembre 2013, la Commission nationale du débat public annonce l’organisation d’une conférence de citoyens, pour compléter le bilan du débat en ligne. Les conclusions de celle-ci ne sont, sur le principe, pas hostiles au projet Cigéo, mais remettent en question son agenda.

Les déchets devront refroidir au moins soixante ans

Pour le panel de citoyens, le calendrier prévu, soit une autorisation en 2015 pour une mise en service en 2025, n’est « pas réaliste sans une phase d’expérience grandeur nature ». Avant de mettre le projet en chantier, l’Andra devrait donc l’expérimenter afin de s’assurer de sa pertinence et de son absence de risques.

Par ailleurs, puisque les déchets actuels devront refroidir au moins soixante ans avant d’être stockés en profondeur, cela laisse le temps d’envisager des « solutions alternatives ». Les conclusions générales du débat annoncées le 12 février rejoignent celles de la conférence des citoyens.

Pour autant, l’avenir du projet de l’Andra ne semble pas encore joué. En 2005, une précédente consultation publique préconisait de ne pas enfouir les déchets, ce qui n’a pas empêché Cigéo d’être discuté.

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

« L’exploitation minière, un modèle est intrinsèquement prédateur et destructeur »
Entretien 8 janvier 2025 abonné·es

« L’exploitation minière, un modèle est intrinsèquement prédateur et destructeur »

Une nouvelle ruée minière a lieu dans le monde, au nom de la transition énergétique. Une fausse solution et des politiques mensongères que décrypte la journaliste et philosophe Celia Izoard.
Par Vanina Delmas
Dans l’Allier, le lithium mine la transition énergétique
Écologie 8 janvier 2025 abonné·es

Dans l’Allier, le lithium mine la transition énergétique

Face à l’objectif d’électrification du parc automobile européen, ce métal mou aiguise l’appétit de plusieurs projets industriels en France. Une course à l’exploitation minière qui semble ignorer les principes de sobriété et de nombreux enjeux écologiques.
Par Tristan Dereuddre
Marine Calmet : « Le mouvement des droits de la nature offre une alternative au capitalisme »
Entretien 11 décembre 2024 libéré

Marine Calmet : « Le mouvement des droits de la nature offre une alternative au capitalisme »

La juriste a une obsession : transformer notre rapport au vivant, et transformer le droit. Dans le livre Décoloniser le droit, elle explique comment le droit français est encore le fruit d’un projet néolibéral et colonial, et dit l’urgence qu’il y a à le bouleverser.
Par Vanina Delmas
Écologie : « En France, nous voyons un réseau d’entraide entre les luttes se former »
Luttes 4 décembre 2024 abonné·es

Écologie : « En France, nous voyons un réseau d’entraide entre les luttes se former »

Le chercheur Gaëtan Renaud a mené pendant huit mois une enquête auprès des collectifs citoyens qui ont bataillé et gagné face à des grands projets imposés et polluants entre 2014 et 2024. Il nous livre un panorama de ces dix années de luttes locales qui ont fait bouger quelques lignes. Entretien.
Par Vanina Delmas