Stockage des déchets nucléaires : oui, mais…
La conférence de citoyens n’est pas opposée au projet d’enfouissement à Bure, mais elle estime son calendrier irréaliste.
dans l’hebdo N° 1290 Acheter ce numéro
Le centre de stockage profond réversible de déchets radioactifs (Cigéo) verra-t-il le jour à Bure ? La conférence de citoyens, réunie pour étudier ce projet mené par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), a jugé, le 3 février, qu’il n’y avait « pas urgence à se prononcer ».
C’est la conclusion d’un débat houleux lancé au printemps 2013 par la Commission nationale du débat public. Si la perspective de vivre au-dessus d’un « cimetière nucléaire » inquiète plus d’un citoyen à Bure (Meuse), c’est surtout le manque de précision du projet de l’Andra qui est dénoncé.
« On ne connaît ni le coût réel du projet, qui devait être de 35 milliards d’euros mais doit être réévalué, ni la quantité de déchets que l’agence compte stocker à Bure, ni la “réversibilité” de ce stockage », commente Benjamin Dessus, président de Global Chance, association d’experts de l’énergie. Un manque de précision souligné également par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), notamment concernant le volume de déchets qui devrait être enfoui.
À cela s’ajoute la colère des opposants contre un projet qui semble avoir été décidé en amont, sans proposition d’alternative à l’enfouissement. En conséquence, le débat public s’est vu boycotté dès son lancement, à l’appel d’associations réunies autour de France nature environnement (FNE). Les deux premières réunions publiques ont été perturbées, et la suite du débat s’est déroulée essentiellement sur Internet.
En décembre 2013, la Commission nationale du débat public annonce l’organisation d’une conférence de citoyens, pour compléter le bilan du débat en ligne. Les conclusions de celle-ci ne sont, sur le principe, pas hostiles au projet Cigéo, mais remettent en question son agenda.
Les déchets devront refroidir au moins soixante ans
Pour le panel de citoyens, le calendrier prévu, soit une autorisation en 2015 pour une mise en service en 2025, n’est « pas réaliste sans une phase d’expérience grandeur nature ». Avant de mettre le projet en chantier, l’Andra devrait donc l’expérimenter afin de s’assurer de sa pertinence et de son absence de risques.
Par ailleurs, puisque les déchets actuels devront refroidir au moins soixante ans avant d’être stockés en profondeur, cela laisse le temps d’envisager des « solutions alternatives ». Les conclusions générales du débat annoncées le 12 février rejoignent celles de la conférence des citoyens.
Pour autant, l’avenir du projet de l’Andra ne semble pas encore joué. En 2005, une précédente consultation publique préconisait de ne pas enfouir les déchets, ce qui n’a pas empêché Cigéo d’être discuté.