À Paris, Danielle Simonnet veut « enrayer l’exode social »
Répondre aux besoins sociaux et aux impératifs écologiques, tels sont les deux caps de la candidate du Front de gauche.
dans l’hebdo N° 1295 Acheter ce numéro
À la tête des listes Front de gauche à Paris, Danielle Simonnet sait que son score aura valeur de test pour la stratégie d’autonomie défendue par le Parti de gauche face au PS. Optimiste, elle pense figurer dans le trio de tête.
Vous voulez faire de Paris « la capitale de la résistance à l’austérité ». Qu’entendez-vous par là ?
Danielle Simonnet Maire de Paris, je m’opposerai à la baisse des dotations de l’État, qui asphyxie les collectivités et aggrave la récession économique. Dans la capitale, cette baisse représente 0,5 milliard d’euros en moins dans le budget 2014, et il faut s’attendre à son doublement en 2015. J’exigerai aussi le remboursement de la dette de l’État, que tous les élus de gauche revendiquaient sous Sarkozy – elle avoisine les 2 milliards d’euros.
Par ailleurs, nous défendons un plus grand recours à l’emprunt. Celui-ci est d’à peine 19 %, quand de grandes villes y recourent à plus de 40 %. Si on se calait sur Lille, on pourrait récupérer 7,2 milliards d’euros sur la mandature, ce qui permettrait de mieux répondre aux besoins sociaux et aux impératifs écologiques, et de réaliser les investissements nécessaires dans les services publics – petite enfance, école…
Quels outils comptez-vous utiliser contre la spéculation immobilière ?
Pour enrayer l’exode social des classes populaires et moyennes, nous exigeons une loi d’encadrement à la baisse des loyers, ce que la loi Duflot ne permettra pas. Car nous assumons de défendre des propositions législatives nationales en complément des leviers municipaux. Grâce au recours à l’emprunt, nous financerons 12 000 logements sociaux par an, ce qui nous permettra d’atteindre les 30 % à la fin de la mandature et non dans 17 ans, comme le promettent les listes gouvernementales PS et EELV.
Des villes comme Amsterdam ont fait le choix de municipaliser 90 % du sol. Paris doit avoir une politique de préemption et de municipalisation du sol plus ambitieuse, et développer le logement réellement social. Nous exigeons l’application de la loi de réquisition des logements et des bureaux vides, à commencer par le lieu symbolique de la rue de Valenciennes, occupé par le collectif Jeudi noir. Enfin, pour préserver le petit commerce de proximité, nous défendons un encadrement des baux commerciaux afin que Paris cesse de devenir un centre commercial géant aux mains des grandes enseignes.
C’est un des aspects de la privatisation de la ville que vous dénoncez ?
Mis à part la régie publique de l’eau, qui a été une vraie rupture, les intérêts privés (JC Decaux, Bolloré, Vinci…) ont étendu leur mainmise sur la ville. Des bâtiments symboliques ont été vendus : la piscine Molitor, le théâtre Marigny. Et cette braderie pourrait hélas se poursuivre puisque Mme Hidalgo revendique 200 millions d’euros chaque année grâce à la vente de patrimoine public.
Nous envisageons au contraire la remunicipalisation de tous les services cédés au privé, car un service en régie publique coûte moins cher in fine qu’un recours au privé. Remunicipaliser, c’est se donner les moyens de mieux répondre aux besoins sociaux et environnementaux, permettre d’engager la gratuité, des politiques municipales sur l’eau, les déchets… Nous voulons, par exemple, créer une régie publique des énergies renouvelables pour développer notamment la géothermie.
C’est la raison pour laquelle vous prévoyez l’embauche de 4 000 fonctionnaires ?
Ce chiffre n’anticipe pas l’ensemble des remunicipalisations. Nous avons évalué avec les syndicats les sous-effectifs flagrants, service par service. Conséquence du gel de la masse salariale, les crèches manquent d’au moins un agent par structure. Dans les bibliothèques, 50 postes sont menacés, quand des problèmes de sous-effectif ont déjà conduit à des fermetures et à des réductions d’horaires. Alors que des candidats sont dans la surenchère à l’ouverture des bibliothèques le dimanche ou en soirée, il faudrait déjà maintenir une qualité du service. Notre évaluation vise à garantir une qualité de service public et à déprécariser les agents. La mairie doit être un employeur exemplaire dans la lutte contre la précarité, laquelle concerne majoritairement des femmes.
Paris a été touché ces derniers jours par une pollution record. Le problème est-il pris au niveau qui convient ?
Absolument pas, et c’est lamentable. Les associations ont raison de porter plainte contre X. Nous réclamions la gratuité des transports et la circulation alternée, mais ces décisions ont été prises tardivement et de façon incomplète. Nous exigeons l’instauration d’autorisations d’absence afin que les salariés qui n’ont pas d’autres moyens de transport ne soient pas pénalisés sur leur salaire. Puisqu’on reconnaît enfin que la gratuité des transports en commun est bénéfique pour dissuader de l’usage de la voiture, généralisons-la toute l’année ! Ou, de façon transitoire, instaurons au moins la gratuité pour tous les revenus en dessous du Smic et une tarification unique pour toute l’Île-de-France basée sur le tarif de la zone 1-2.
À plus long terme, nous revendiquons une planification écologique qui repense complètement l’aménagement du territoire pour réduire les distances domicile-travail. Paris est déficitaire en logements, la Seine-Saint-Denis et la Seine-et-Marne le sont en emplois. Le projet de centre commercial géant Europa City du triangle de Gonesse doit être abandonné, car il doublera la pollution de la zone, au détriment des terres agricoles.
Vous dénoncez également une autre pollution…
Nous portons en effet l’ambition radicale d’une ville sans pub. São Paulo a été capable de le faire, pourquoi pas Paris ? Nous ne voulons pas d’une ville qui aliène par le consumérisme, mais qui émancipe par la culture. Pour cela, nous voulons multiplier par deux le budget alloué à la culture, au profit de l’ensemble des quartiers.