La grande braderie de l’Unedic

Les nouvelles règles d’indemnisation de l’assurance chômage figurant dans l’accord national interprofessionnel du 21 mars ne garantissent pas l’avenir du système.

Thierry Brun  • 26 mars 2014 abonné·es
La grande braderie de l’Unedic

Le ministre du Travail, Michel Sapin, a rapidement réagi pour saluer « la responsabilité dont ont fait preuve les partenaires sociaux gestionnaires de l’assurance chômage en dégageant un projet d’accord ». Entériné le 21 mars, l’accord national interprofessionnel (ANI) a de quoi réjouir le Medef. Lequel a mené de bout en bout les négociations autour d’une nouvelle convention d’assurance chômage (Unedic) en son siège parisien, sur la base de ses seules propositions et sans concéder de nouvelles contributions au financement du régime. L’accord, qui a recueilli l’avis positif de la CFDT, de la CFTC et de FO, « permettra d’assurer, pour les deux prochaines années, la pérennité d’un régime qui joue un rôle majeur pour notre cohésion sociale et le soutien aux travailleurs privés d’emploi », assure Michel Sapin. Or, cette pérennité est loin d’être garantie. Le déficit de l’Unedic devrait cette année dépasser les 4 milliards d’euros, la dette accumulée étant estimée, elle, à 22 milliards d’euros. Quant aux mesures adoptées, elles ne devraient permettre de dégager que 400 millions d’euros d’économies par an, selon les calculs de l’Unedic.

Seule avancée du texte : les nouveaux droits rechargeables. Adoptés en 2013 dans la loi de sécurisation de l’emploi, ils seront financés à hauteur de 400 millions d’euros et permettront d’être mieux indemnisé en cas de réinscription à Pôle emploi, sans avoir épuisé ses droits antérieurs. Reste à savoir s’ils inciteront les chômeurs, puisque c’est l’objectif affiché, à reprendre un emploi avant la fin de leur période d’indemnisation. Pour réaliser des économies, le patronat indique que Pôle emploi déduira de l’allocation mensuelle versée au chômeur 70 % de la rémunération brute qu’il a touchée durant ses éventuelles périodes d’activité réduite. Conséquence, l’annexe IV, qui concerne les intérimaires et les travailleurs temporaires, sera vidée de son contenu. Ce qui fera perdre en moyenne 20 % de leur indemnisation à ces salariés, selon la CGT, laquelle dénonce l’ANI.

Pour les allocataires relevant du régime général, le taux de remplacement minimal du salaire de référence, servant à calculer l’allocation versée et appliqué aux chômeurs dont le salaire dépassait 2 042 euros bruts par mois, sera abaissé de 57,4 % à 57 %. Ceux qui auront touché une importante indemnité de départ attendront plus de six mois avant de toucher une allocation. Avec « la règle proposée par le patronat, un ancien salarié de La Redoute avec vingt ans d’ancienneté ne serait indemnisé par l’assurance chômage qu’après 533 jours », s’indigne le syndicat CGT des ingénieurs, cadres et techniciens (Ugict). Le patronat a aussi décidé de plafonner les allocations à 3 592 euros bruts mensuels, « alors que seuls 23 000 demandeurs d’emploi sont [concernés]. Les gains financiers dégagés par cette mesure seraient en réalité très faibles », ajoute le syndicat. Les indemnités des demandeurs d’emploi de plus de 61 ans sont aussi visées : elles seront plafonnées à 1 500 euros, « ce qui entraînera une baisse de revenu très importante pour les cadres », ajoute l’Ugict-CGT. Mais « les seniors devront attendre 62 ans pour obtenir le maintien de leurs allocations jusqu’à leur départ en retraite », précise le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP). Et les salariés de plus de 65 ans, jusqu’ici exonérés de cotisations, devront désormais contribuer au régime. Trois autres mesures réduiront les droits des 112 000 intermittents du spectacle : le cumul entre salaires et allocations sera plafonné à 5 475 euros bruts par mois, avec un différé d’indemnisation et le relèvement des cotisations sur leurs salaires qui passeront de 10,8 % à 12,8 % (8 % pour les employeurs, 4,8 % pour les salariés). Le Medef souhaite cependant aller plus loin et a demandé à l’État « d’ouvrir avant la fin 2014 une concertation » avec les partenaires sociaux, les représentants des salariés et des employeurs.

Le nouvel accord national devrait rapporter 800 millions d’euros de recettes supplémentaires en réduisant l’ensemble des droits des chômeurs. Et le financement du déficit de l’assurance chômage repose plus que jamais sur les salariés, en particulier les plus fragiles, ce qui poussera une partie d’entre eux, les plus solvables, vers un système d’assurance complémentaire privé.

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