La pénalisation du boycott d’Israël, une exception française

La France, rappelle Éric Hazan, est le seul pays où appeler au boycott des produits israéliens est passible de poursuites.

Éric Hazan  • 20 mars 2014 abonné·es

Illustration - La pénalisation du boycott d'Israël, une exception française

Le 26 septembre 2009, cinq membres de l’association France-Palestine solidarité (AFPS) mènent une action dans un hypermarché d’Illzach, dans le Haut-Rhin, appelant au boycott des produits israéliens. Une plainte est déposée contre eux, pour « provocation à la discrimination nationale, raciale, religieuse ».

Le tribunal correctionnel de Mulhouse relaxe les prévenus le 15 décembre 2011, avec des attendus très clairs, presque pédagogiques : les faits reprochés « relèvent de positions politiques dont une société démocratique doit tolérer la libre expression », et le tribunal « a pu se convaincre de l’absence d’incitation à la haine raciale, voire antisémite, au vu de la personnalité des membres du Collectif 68, issus de mouvements associatifs ou politiques non connus pour leurs prises de position raciales ou antisémites ».

Le parquet et les parties civiles habituelles en pareil cas (Chambre de commerce France-Israël, Licra, Avocats sans frontières, Alliance France-Israël, Bureau de vigilance contre l’antisémitisme) font appel. L’affaire passe le 27 novembre 2013 devant la cour d’appel de Colmar, qui casse le premier jugement[^2] au motif alambiqué que « la provocation à la discrimination ne saurait entrer dans le droit à la liberté d’expression dès lors qu’elle constitue un acte positif de rejet, se manifestant par l’incitation à opérer une différence de traitement à l’égard d’une catégorie de personnes, en l’espèce les producteurs de biens installés en Israël ».

Le désarroi de la justice française sur cette question se manifeste un mois plus tard quand le tribunal correctionnel de Pontoise, saisi d’un cas analogue, relaxe les prévenus : leur condamnation « s’analyserait en une ingérence non nécessaire et disproportionnée dans le droit à la liberté d’expression tel que consacré par la Convention européenne des droits de l’homme ».

Ce désarroi n’est pas sans raisons car la France est le seul pays au monde où l’appel au boycott des produits israéliens entraîne des actions en justice. En Israël même, Gideon Levy, l’un des journalistes les plus respectés, a pu écrire le 15 juillet 2013 dans Haaretz, quotidien des plus respectables, qu’ « avec l’entrée d’Israël dans une nouvelle série d’inertie diplomatique, l’appel au boycott économique devient une exigence patriotique » . Il n’a pas été poursuivi.

[^2]: Les cinq prévenus de Mulhouse se pourvoient en cassation. Les frais de justice sont très élevés en pareil cas et ces prolétaires ne peuvent y faire face seuls. Ceux qui veulent les aider peuvent adresser un chèque à l’ordre de l’AFPS 68 , à AFPS, chez M. J.-J. Hirtz, 12 rue des Ondées, 68120 Pfastatt.

Monde
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

États-Unis : face à Trump, les Démocrates peinent à se faire entendre
Analyse 12 mars 2025 abonné·es

États-Unis : face à Trump, les Démocrates peinent à se faire entendre

Face aux politiques de Donald Trump, l’opposition est quasi inexistante. L’inaction des Démocrates est critiquée par leurs électeurs, qui ont commencé à prendre les choses en main.
Par Edward Maille
Le grand tournant de l’Allemagne face à la menace russe
Reportage 12 mars 2025 abonné·es

Le grand tournant de l’Allemagne face à la menace russe

Choqués par un potentiel lâchage de l’allié américain, nos voisins d’Outre-Rhin balancent entre volontarisme et panique. À l’image du parti de gauche Die Linke, qui se débat dans ses contradictions.
Par Nils Wilcke
Europe, Russie, États-Unis : la rude unité de la gauche
Analyse 12 mars 2025 abonné·es

Europe, Russie, États-Unis : la rude unité de la gauche

La nécessité de créer une défense européenne ne fait pas l’unanimité parmi les partis de la gauche française. Or il ne s’agit pas seulement de se réarmer pour défendre l’Ukraine contre Poutine mais de résister à une offensive idéologique ultraréactionnaire, soutenue par l’extrême droite européenne et à laquelle se sont ralliés les États-Unis de Trump.
Par Denis Sieffert
Syrie : massacre en terre alaouite, le péril communautaire
Monde 10 mars 2025 abonné·es

Syrie : massacre en terre alaouite, le péril communautaire

En représailles aux attaques de miliciens alaouites, encore sans doute à la solde du frère du tyran Assad, les forces de sécurité et groupes affiliés du nouveau régime syrien se sont livrés à un déchaînement de violence, faisant 1 300 morts. Le retour du mal endémique de la Syrie ?
Par Denis Sieffert