Le sport à la télévision : où sont les femmes ?

C’est 93 % du temps d’antenne pour les épreuves masculines et une sous-représentation des commentatrices. Consternant.

Jean-Claude Renard  • 6 mars 2014 abonné·es

On aura vu beaucoup de femmes à l’écran, à l’occasion des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi. D’une discipline à l’autre, bien présentes sur le petit écran, à l’égal des hommes. C’est un trompe-l’œil qu’exige l’olympiade, à travers ses retransmissions non-stop. En réalité, le sport féminin n’est jamais ou presque pas diffusé sur les antennes. Pour la parité, le petit écran peut revoir sa copie. La comparaison est rapide : en janvier dernier, on a vu l’équipe nationale de handball faire le tour des plateaux de télé après son énième titre de championne d’Europe. La médiatisation était à son comble après la diffusion des matchs, certains en première partie de soirée. Parallèlement, quand il s’agit de l’équipe de France féminine, pourtant régulièrement titrée (encore vice-championne du monde en 2011), les feux s’éteignent rapidement. Entre deux compétitions, internationales, comme les Jeux ou les championnats du monde, cette équipe n’existe pas. Comme le rugby féminin, quasi absent de l’écran. D8, qui a acquis les droits du championnat de foot féminin, et Eurosport, qui revendique 25 % de ses programmes réservés au sport féminin, sont deux exceptions dans le paysage, comme l’est Roland-Garros sur le service public.

Le journal l’Équipe est un exemple de cette sous-représentation. En 2013, la une n’a été consacrée à une femme que 14 fois sur l’ensemble de l’année. Idem à la télévision : selon le CSA, seulement 7 % des retransmissions sportives sont féminines, dont 95 % sur des chaînes payantes. Le sport féminin n’a donc pas de visibilité dans les médias. Pour une raison simple : si les diffuseurs se réfugient derrière des contraintes techniques, faute d’infrastructures correctes (terrain boueux, éclairage déficient), les recettes publicitaires ne sont pas à la hauteur des sports masculins. Qui réalisent une audience de 30 à 60 % supérieure pour une même discipline. De quoi dissuader les chaînes. Le foot féminin est un exemple frappant : quand les Bleus réalisent une audience de plus de 13 millions de téléspectateurs, leurs homologues féminines atteignent à peine 1,8 million. En Ligue des champions, les footeuses lyonnaises obtiennent pourtant de bien meilleurs résultats que n’importe quel club masculin. Le 1er février dernier, à l’initiative du CSA, les télés consacraient leur journée au sport féminin, avec la volonté de s’imposer 24 heures dans plus de 243 millions de foyers, en conjuguant les chaînes de France Télévisions, de TV5 Monde et Africa 24, en passant par BeIng Sport, Canal + et Eurosport. Pour le coup, France Télévisions, qui se veut « le plus grand terrain de sport », s’est acheté une bonne conduite sur une journée en communiquant sur « des événements sportifs en direct sur France 4, chaîne fortement impliquée dans la valorisation du sport féminin »  ; « un focus dans les magazines sportifs de France 2, France 3 et France Ô »  ; « un éclairage particulier apporté par les magazines de société de France 2, France 3 et France 5 »  ; et « une série de programmes courts et des documentaires sur France Ô » .

Une bonne conduite parce que, s’il faut organiser une journée spéciale, comme on orchestre une « journée des femmes », c’est bien qu’il existe un problème. À toutes les échelles, et les derniers JO l’ont démontré : combien de femmes dans l’équipe du service des sports de France Télé ? Trois seulement sur une cinquantaine de cartes de presse et deux à l’antenne : Céline Géraud et Carole Montillet, réduites à peu de chose au milieu de pléthores de journalistes et consultants. Qui, on l’a vu à Sotchi, ne s’embarrassent pas de commentaires affligeants, vulgaires, toujours sexistes, contribuant à enfermer les femmes dans une dictature de l’apparence (Marion Bartoli en sait quelque chose, raillée pour son « physique ingrat », quand bien même elle gagne Wimbledon). Ceci explique peut-être pourquoi, dans la retransmission des sports féminins, 80 % des téléspectateurs sont des hommes. Si les femmes ne sont pas représentées sur la petite lucarne, elles ne sont pas non plus devant l’écran. Consternées par une sexualisation excessive ?

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