Les Atelières (ex-Lejaby) sont-elles « bankable » ?
Lancée il y a plus d’un an par d’anciennes ouvrières de Lejaby, la coopérative les Atelières tire la sonnette d’alarme et lance une souscription, faute de soutien financier de la part des banques.
dans l’hebdo N° 1294 Acheter ce numéro
Comprenne qui pourra ! Les Atelières, coopérative d’intérêt collectif (Scic) créée à Villeurbanne il y a un an par des ex-ouvrières du fabricant de lingerie Lejaby, n’est pas « bankable » pour les banques privées et la Banque publique d’investissement (Bpifrance). Le terme a choqué les salariées, qui ont essuyé récemment le refus des banques de financer un fonds destiné à soutenir la coopérative, dans cette filière de la lingerie-corsetterie haut de gamme « anéantie » par la délocalisation, enrage Muriel Pernin, dirigeante de la coopérative. « On a acheté les machines à Lejaby et on a recruté des jeunes dans toute la France. On les forme nous-mêmes, raconte Nicole Mendez, déléguée syndicale CFDT, ex-Lejaby dont l’activité se partage entre Maison Lejaby (créée en 2013 à la suite de la liquidation judiciaire de Lejaby en 2011) et les Atelières. En ce moment, on n’a pas beaucoup de boulot parce que les créateurs donneurs d’ordre ont pris du retard du fait du manque de matière première chez leurs fournisseurs. Du coup, on attend le travail, mais on a beaucoup de commandes. »
Nicole Mendez, 62 ans, est déléguée syndicale CFDT de Maison Lejaby. Elle a aussi participé à création des Atelières et raconte qu’elle a commencé « sa carrière derrière une machine à coudre en 1967 ».
« Je suis entrée chez Rasurel en 1974, dans la corseterie balnéaire, et j’ai perdu mon métier en 2003, dans le premier plan social de Lejaby. J’ai été récupérée à la logistique par Maison Lejaby en 2013. » La même année, Nicole a créé, avec une dizaine d’autres ex-Lejaby, la coopérative les Atelières. Depuis, elle enchaîne les allers-retours entre les deux entreprises pour former les jeunes. « J’aurais pu dire : je m’en vais de chez Lejaby. Mais les salariées qui ont été reprises dans l’entreprise avaient à ce moment-là besoin d’un soutien dans un vrai bon projet. »
Du côté de la coopérative, « l’idée est que les salariées doivent pouvoir participer à la vie de leur entreprise. On veut du savoir-faire et du savoir-vivre ensemble dans un atelier. C’est un autre état d’esprit que celui qui règne dans le secteur de l’habillement. Avec le monoposte, nous étions des robots derrière nos machines : on ne savait pas ce que la collègue faisait en amont ni ce qui était fait en aval. Nous, on veut être polyvalentes. C’est la connaissance du montage, du métier de bout en bout, qu’on enseigne aux Atelières ».
Et Nicole Mendez ajoute que les anciennes couturières ont monté leur propre formation :« La corseterie est un métier très complet, qui demande beaucoup de travail, et requiert une minutie incroyable si l’on veut faire du produit de qualité. En Chine, on ne veut pas prendre de petites séries comme les nôtres parce que les ateliers perdent les bénéfices du monoposte. »
Pas question pour elles de financer une entreprise avec une trésorerie dans le rouge. « On nous demande de réussir en un an ce qu’un mouvement de délocalisation a détruit en trente ans ! », s’insurge Muriel Pernin. « On a contacté toutes les banques. Celles qui relèvent de l’économie sociale et solidaire n’ont pas de gros moyens. Le Crédit coopératif et la Nef nous ont proposé des prêts, mais qui ne dépassaient pas 20 000 euros », ajoute Lisa-Marie Cap, chargée de communication des Atelières.
La dirigeante a donc tiré la sonnette d’alarme le 3 mars et menacé de déposer le bilan de la coopérative. Dans l’urgence, une réunion est organisée à Bercy autour d’Arnaud Montebourg et de Benoît Hamon, ministre du Redressement productif et ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire. Mais la prudence est de mise : « S’ils peuvent avoir un rôle de levier, les pouvoirs publics n’ont cependant pas vocation à prendre en charge la totalité des besoins de financement des activités industrielles. Les entreprises doivent également, par elles-mêmes, susciter la confiance des investisseurs et des clients », explique-t-on dans les cabinets des deux ministres. « L’erreur de Mme Pernin a été de ne pas compléter ses fonds propres par un prêt avec sa banque, le temps de trouver un équilibre », explique le cabinet de Benoît Hamon, qui assure avoir suivi le dossier depuis le début. Un nouveau tour de table avec les banques concernées, le Crédit coopératif, la Caisse d’épargne et LCL, est prévu, promettent les ministres. « Mais concrètement, à très court terme, nous avons besoin de liquidités. Nous relançons une souscription [^2] et un appel à des investisseurs potentiels », annonce la dirigeante, qui précise qu’elle avait réuni 300 000 euros lors de la précédente souscription, dont 200 000 euros venant de citoyens investisseurs. « Ce qui est positif, c’est qu’en fin d’année 2013, le niveau de productivité a été en forte progression. On a bon espoir », remarque le ministère de l’Économie sociale et solidaire, qui recommande aux Atelières de « reconstituer leurs fonds propres. Muriel Pernin doit présenter un plan d’affaire et de financement détaillé dans les prochains jours. Donnons-nous une nouvelle chance ».
[^2]: Pour participer à la souscription lancée par Les Atelières, consulter le site www.lesatelieres.fr/nous-aider, ou les contacter : Les Atelières, 2-4, petite rue de la Rize, 69100 Villeurbanne, 04 26 78 32 80, info@lesatelieres.fr, www.facebook.com/Lesatelieres