«Mobilisation générale» : un air d’insurrection

Mobilisation générale rassemble des artistes français engagés du début des années 1970.

Jacques Vincent  • 20 mars 2014 abonnés
«Mobilisation générale» : un air d’insurrection

«À l’époque, il y avait un autre état d’esprit, une plus grande ouverture et une vraie disponibilité de la part des musiciens mais aussi du public. » Ces propos d’Areski Belkacem, rapportés par Benoît Mouchart dans sa biographie de Brigitte Fontaine, sont liés à la rencontre de la chanteuse avec l’Art Ensemble of Chicago. Ils illustrent tout autant l’esprit de la compilation, qui sort ces jours-ci, parfaitement résumé par son titre, Mobilisation générale. Brigitte Fontaine et Areski Belkacem y figurent, d’ailleurs. Tout comme l’Art Ensemble accompagnant le poète africain Alfred Panou.

Parmi les autres noms connus, on trouve ceux du pianiste François Tusques ou de Mahjun, dont le nom était encore l’acronyme de Mouvement anarcho-héroïque des joyeux utopistes, et sa musique plus proche du free-jazz que du folk.

Mais plus de la moitié du disque est consacrée à des formations nettement plus obscures (Full Moon Ensemble, Baroque Jazz Trio) ou à des chanteurs comme Michel Roques et Béatrice Arnac. Toute une époque. Celle du début des années 1970, quand jazz tendance free, rock et chansons se côtoyaient fréquemment. L’« après-Mai », pour reprendre le titre du film d’Olivier Assayas.

Une époque où beaucoup de musiciens pensaient que leur pratique ne pouvait qu’être en prise directe avec les réalités politiques et sociales. Une revendication qui se traduisait autant dans la façon de faire la musique – et ce n’est pas un hasard s’il y a autant de ­collectifs présents dans cette compilation –que dans le message véhiculé.

L’armée est souvent en ligne de mire – le Larzac arrive –, les lois s’attaquant aux travailleurs immigrés aussi. Témoin, « Nous allons vous conter », de François Tusques accompagnant le collectif le Temps des cerises, enregistré lors d’une manifestation contre la circulaire Fontanet, du nom du ministre de l’Emploi sous Pompidou.

Les paroles se font souvent slogan ( « Nous ouvrirons les prisons/Nous ouvrirons les casernes » , promettent Atarpop 73 et le Temps des cerises), ou alors c’est une poésie puissante, mordante et hurlante (le Full Moon Ensemble en hommage au poète beat Bob Kaufman).

Musicalement, c’est essentiellement un jazz libertaire, dans ­l’esprit de John Coltrane, de Pharoah Sanders ou d’Archie Shepp. Des musiques comme des promesses d’insurrections joyeuses. Un souffle créatif qui emporte comme si les voix, les cris des cuivres, les percussions, tous les débordements, étaient autant de façons de décliner un unique mot : liberté.

Culture
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