Ravey et les sortilèges (À flux détendu)
dans l’hebdo N° 1295 Acheter ce numéro
Yves Ravey possède des pouvoirs surnaturels. Son treizième roman, la Fille de mon meilleur ami (Minuit, 156 p., 14 euros), ensorcelle le lecteur sans méfiance. Yves Ravey jette ses maléfices l’air de rien, avec une humble discrétion, sinon, peut-être, avec un sourire au coin des lèvres…
Il n’y aurait pas d’histoire, dans ce roman, si le narrateur n’avait promis à son ami mourant de s’occuper de sa fille, Mathilde, jeune femme fragile. En dépit d’une décision judiciaire qui le lui interdit, celle-ci veut revoir son fils, âgé de 5 ans, dont on lui a retiré la garde depuis un séjour en hôpital psychiatrique. Le narrateur emmène donc Mathilde, de Montceau-les-Mines à Savigny-sur-Orge, où vit Roméo avec ses parents d’accueil, Sheila et Anthony.
Début de roman classique, donc. Avec un ferment dramatique – une mère éloignée de son enfant – compliqué par le fait que celle-ci est vraiment détraquée (dès la page 13, elle fait une crise à cause d’une tache sur l’encolure d’une robe achetée la veille…). Mais l’auteur rééquilibre la situation avec un autre personnage, le chaperon de la jeune femme, le narrateur, donc, un homme qui semble sûr.
Seulement voilà : les choses se compliquent. Par exemple, on découvre assez rapidement que le narrateur, homme de parole envers feu son meilleur ami, n’est pas si net. Pas du tout même.
Et qu’il comprend vite comment profiter des faiblesses des uns et des autres. Celles de Sheila, qui passe des nuits bizarres dans son appartement. Ou celles d’Anthony, trésorier du syndicat qui mène une grève dure dans l’usine du coin.
Du polar, Yves Ravey a la haute précision de l’écriture et le sens du suspense. Mais plus qu’un roman noir, la Fille de mon meilleur ami est un livre maléfique, où plane l’incertitude sur ce qui est dangereux et ce qui ne l’est pas, sur ce qui a du sens et ce qui n’en a pas, sur ce qui est ou n’est pas. Yves Ravey est un écrivain sorcier.