Chronique d’un naufrage
Le dernier volume du rapport 2014 du Giec décrit en creux l’incapacité à agir de la communauté internationale.
dans l’hebdo N° 1299 Acheter ce numéro
C’est le carnet de bord d’une humanité qui constaterait, de plus en plus détachée de la réalité, l’inéluctable en train d’advenir. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) vient de remettre le troisième volume de son 5e rapport (depuis 1990), consacré aux mesures d’atténuation du dérèglement climatique, après les opus traitant de la science du phénomène (septembre 2013) et des impacts (mars dernier) [^2]. Et sans surprise, le constat est encore plus alarmiste qu’en 2007, date du 4e rapport : aucune inflexion dans la dérive climatique. Les émissions ont crû de 2,2 % entre 2000 et 2010, cinq fois plus vite qu’entre 1970 et 2000 ! Les quelques efforts de sobriété et l’essor des énergies vertes sont réduits à néant par la boulimie de charbon – la plus polluante des énergies fossiles. La conférence climatique de l’ONU avait adopté pour objectif souhaitable, à Cancún en 2010, de contenir l’augmentation des températures à 2 °C, à l’horizon 2100. Constat du Giec, qui a compilé environ 1 200 études : cette limite, considérée par les scientifiques comme une frontière de l’inconnu climatique, pourrait être franchie dès 2030 au rythme actuel.
Conclusion plus radicale que jamais : il faut engager « maintenant » une transition dans tous les secteurs d’activité – énergie, habitat, transports, agriculture –, et massivement : multiplier par quatre la part des renouvelables, réduire de 40 à 70 % les émissions d’ici à 2050 jusqu’à les annuler vers la fin du siècle, etc. Et, point délicat, changer les modes de vie, qui « influent significativement » sur la consommation d’énergie. Un chiffre pourrait aider à la décision collective : les investissements nécessaires à l’atténuation du dérèglement ne réduiraient en moyenne que de 0,06 point les taux de croissance de la consommation projetés entre 1,6 % et 3 %. La dernière levée de ce 5e rapport du Giec, le plus important, est attendue en octobre prochain : il s’agit du « résumé à l’attention des décideurs ». Chaque virgule en est pesée, et il constitue le document de référence des négociations internationales, dont le sommet climatique majeur de 2015 (en France), qui ambitionne la signature d’un accord mondial à la hauteur du défi.
[^2]: Voir Politis nos 1271 et 1297.