Déficit public : Manuel Valls fait le choix de Bruxelles

Manuel Valls répond aux injonctions de Bruxelles et de Berlin en affirmant tenir l’engagement du retour du déficit public sous la barre des 3 % du PIB en 2015. Une décision lourde de conséquences.

Thierry Brun  • 15 avril 2014 abonné·es

Il n’a suffit que de quelques jours pour que le gouvernement de Manuel Valls enterre son intention d’obtenir un nouveau délai pour réduire les déficits publics. En déplacement à Berlin le 14 avril, le nouveau Premier ministre a rapidement clamé son allégeance au dogme budgétaire libéral imposé par la Commission européenne, assurant que la France « tiendrait ses engagements » en matière de réduction des déficits sous le seuil européen des 3 % en 2015.

Manuel Valls amorce ainsi son premier virage à 180 degrés, quelques jours après avoir envisagé ne plus tenir cet engagement pour 2015. Le 8 avril, dans sa déclaration de politique générale, le nouveau Premier ministre avait pourtant proposé un « changement de rythme pour éviter tout recours à l’impôt et financer le redressement de notre économie » . Les nouveaux ministres de Bercy avaient martelé cette petite musique dès leur nomination pour assurer que Paris allait obtenir gain de cause.

Le report d’une semaine de la présentation du programme budgétaire de la France pour les trois prochaines années, qui sera du coup transmis à Bruxelles début mai, était un signe adressé par Bercy. On laissait entendre qu’il s’agissait de préparer le terrain, avec la Commission européenne, à la décision que la France ne parviendra pas l’an prochain à ramener son déficit public sous les 3 % du PIB, le seuil maximal en zone euro, comme elle s’y était engagée.

Dès le 3 avril, le nouveau ministre des Finances, Michel Sapin, annonçait négocier avec Bruxelles du « rythme » de réduction des déficits et déclarait s’inscrire dans les pas de François Hollande. Mais, après une série de réunions du G7, du G20, du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, le ministre des Finances a retourné sa veste : « L’objectif dit des 3 % est un objectif que nous devons maintenir » , a-t-il affirmé le 10 avril, lors d’une conférence de presse à Washington, assurant qu’il comptait y parvenir en 2015.

Manuel Valls et son gouvernement répondent sans protester aux injonctions de la Commission européenne et de Berlin. Le Premier ministre balaie ainsi d’un revers de main tout écart à la doctrine de Bruxelles pour promettre que la France, dont « personne ne peut mettre en doute la crédibilité » , tiendrait « ses engagements » en matière de réduction du déficit budgétaire sous le seuil européen des 3 % de PIB en 2015 : « La France a engagé des réformes fortes, des réformes de structure. Elle a décidé à travers le pacte de confiance et de solidarité de soutenir la croissance. La croissance revient, donc il est très important que nous la soutenions au niveau des États et de l’Union européenne. La croissance doit créer de la richesse et de l’emploi, l’attente des peuples européens est là » .

Ce choix sera lourd de conséquences puisque le gouvernement doit désormais trouver des économies supplémentaires, au-delà des 50 milliards d’euros d’économies déjà annoncées dans la déclaration de politique générale de Manuel Valls, qui pèseront sur ladite croissance et ajouteront de l’austérité à l’austérité. Dans son rapport annuel, la Cour des comptes avait anticipé un rendement inférieur de 2 à 4 milliards d’euros des recettes fiscales en 2014. Dans ce même rapport, les magistrats indiquaient que les économies annoncées ne suffisaient pas, à elles seules, à atteindre l’objectif de 3 % de déficits publics en 2015, même reporté à 2016. L’impasse budgétaire se profile déjà.

Politique Monde
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