Des Régions à l’économie
Selon EELV, la réforme des territoires pourrait servir la solidarité et l’équité entre eux. À condition d’un rééquilibrage économique.
dans l’hebdo N° 1299 Acheter ce numéro
Manuel Valls, pour attirer des écologistes dans son gouvernement, avait notamment placé dans la corbeille d’alliance le projet de réduire le nombre de Régions françaises. Confirmé dans le discours de politique générale du Premier ministre : il n’en resterait plus que onze à terme. Europe écologie-Les Verts (EELV) appelle depuis longtemps à une réforme du millefeuille territorial, qui empile les échelons communal, intercommunal, départemental, régional et national. « Nous commençons donc à être entendus », se félicite Mounir Satouri, président du groupe des conseillers régionaux écologistes d’Île-de-France, et qui a travaillé sur la réforme de la décentralisation. « Mais, si le projet ne vise qu’à faire des économies d’échelle, nous passerons à côté de l’essentiel. À ce titre, il est absurde d’annoncer d’ores et déjà le nombre final de régions. » On peut douter que le projet Valls, encore très flou, coïncide avec la réforme territoriale souhaitée par les écologistes, qu’ils veulent au service de trois grands objectifs.
Tout d’abord, l’équité entre les Régions. Sandrine Rousseau, l’une des porte-parole EELV, voit par exemple venir, dans le projet Valls, le regroupement du Nord-Pas-de-Calais avec la Picardie, l’Aisne ou les Ardennes. « Attend-on de l’addition de petits territoires pauvres qu’elle améliore leur situation économique ? Sans mesures de rééquilibrage, on risque surtout de fabriquer de grosses Régions pauvres à côté de grosses Régions riches – l’Île-de-France additionnée de l’Oise, le Sud-Est, etc. » S’il n’interdit pas des redécoupages internes (et pas seulement des regroupements de Régions), le projet doit s’accompagner d’une péréquation budgétaire pour solidariser les Régions entre elles. « Il ne s’agit pas de les mettre en concurrence », souligne Sandrine Rousseau. Ensuite, une réforme territoriale devra être démocratique et participative, « découlant d’une concertation préalable. Pourquoi onze Régions et pas quinze ? Veut-on imposer à la Corse de fusionner avec la Provence ? Les populations doivent participer à la définition de ces futures régions et s’autodéterminer en fonction d’intérêts communs – culturels, économiques, etc. En veillant bien sûr à ne pas attiser les nationalismes » .
Enfin, les écologistes, qui soutiennent la suppression des conseils généraux, veulent octroyer une autonomie bien plus importante aux Régions, en élargissant leurs compétences dans les domaines économiques, de la formation, de la santé, de la transition énergétique. « Il s’agit de favoriser les filières courtes et la relocalisation des activités à l’intérieur de Régions plus vastes, proches en poids de leurs équivalentes chez nos voisins. » L’État resterait garant de l’équité. « Il n’est pas envisageable qu’une adaptation des offres éducatives post-bac aux potentiels locaux, par exemple, se traduise par des inégalités de chances entre les territoires. » De telles entités, au profil proche de celui des Länder allemands, seraient adaptées à une Europe fédéralisée que les écologistes appellent de leurs vœux. « La coopération entre régions frontalières reste compliquée dans un État aussi centralisé que la France », regrette Sandrine Rousseau. À ce titre, la suppression de la clause de compétence générale serait un contresens, prévient Mounir Satouri. « On va figer l’intelligence propre des territoires. » Quant aux régions d’outre-mer, elles seraient dotées d’une forte autonomie copiée sur le statut de la « Kanaky-Nouvelle-Calédonie », comme elle est dénommée par EELV.