La double vie d’Aquilino Morelle, conseiller de Hollande

Les révélations du journal Mediapart sur le comportement d’Aquilino Morelle devraient logiquement conduire François Hollande à se séparer de son conseiller.

Jonathan Baudoin  • 17 avril 2014 abonné·es

Illustration - La double vie d'Aquilino Morelle, conseiller de Hollande - Aquilino Morelle en septembre 2010 à l'université de rentrée d'Un monde d'avance.


Aquilino Morelle a travaillé pour des laboratoires pharmaceutiques qu’il était censé contrôler , assure Mediapart dans une enquête fouillée. Une révélation gênante pour ce proche de François Hollande et la promesse du Président de veiller à une République exemplaire. Alors qu’Aquilino Morelle est inspecteur de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) depuis sa sortie de l’ENA en 1992, le laboratoire danois Lundbeck l’a employé jusqu’en 2007 : « Il m’a dit qu’il cherchait à travailler pour l’industrie pharmaceutique, qu’il avait du temps libre, que son travail à l’Igas ne lui prenait que deux jours sur cinq » , raconte à Mediapart un dirigeant de cette entreprise, qui reconnaît que « son profil et son carnet d’adresses intéressaient » son laboratoire. Une collaboration qui le place en infraction avec l’article 25 la loi du 13 juillet 1983 qui stipule que les fonctionnaires se consacrent à « l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées » et qu’ « ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative, de quelque nature que ce soit» . Mais ce n’est pas tout, car après cette collaboration fructueuse, Aquilino Morelle, tout en étant encore à l’Igas, a posté des candidatures auprès d’autres laboratoires tels Sanofi ou Servier. Ce qui ne l’a pas empêché d’écrire un rapport sur le Mediator en 2011 ; on l’a vu à cette occasion, sur France Info, appeler à « en finir » avec une situation « où les experts sont parties prenantes. Juge et partie » .

Conseiller du président de la République , depuis la prise de fonctions de François Hollande, en mai 2012, Aquilino Morelle n’est pas étranger au rapprochement entre Arnaud Montebourg et Manuel Valls, et aurait joué un rôle dans la nomination de ce dernier à Matignon. Fils d’immigrés espagnols, présenté comme « un fils du peuple » , il est repéré par Pierre Moscovici au moment de son grand oral de l’ENA en 1992, pour coller aux basques de Bernard Kouchner, ministre de la Santé à l’époque. En 1997, il suit Lionel Jospin à Matignon, et devient la plume du Premier ministre. Mais cet homme de l’ombre échoue aux élections municipales de 2001 (Nontron), aux législatives de 2002 (Vosges) et 2007 (Seine-Maritime). Partisan du non au Traité constitutionnel européen de 2005, aux côtés de Laurent Fabius, il sera le directeur de campagne d’Arnaud Montebourg durant la primaire de 2011. 

À l’Élysée, le conseiller de François Hollande sait se saisir des privilèges qu’offre la République à ceux qui appartiennent au cercle du pouvoir. Mediapart rapporte ainsi qu’un des deux chauffeurs de fonction véhicule son fils pour des activités personnelles dans le XVe arrondissement ou que les secrétaires doivent régler les affaires personnelles du conseiller. Par ailleurs, Aquilino Morelle assume tout à fait d’avoir un goût prononcé pour le luxe. Quand à sa propension à travailler, elle ne serait guère brillante. Des inspecteurs de l’Igas l’ayant côtoyé dans les années 1990 se rappellent d’un touche-à-tout pas forcément rigoureux dans son travail d’inspecteur, plutôt capable de bâcler que de peaufiner. Outre son activité à l’Élysée, il continue d’assurer « 96 heures équivalent TD par an » à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, une activité rémunérée 2 000 euros mensuels qui arrondit (un peu) ses fins de mois.

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