La gauche du PS est-elle soluble dans la social-démocratie?
TRIBUNE. Françoise Castex, députée européenne (Nouvelle Donne), reproche à l’aile gauche du PS de contribuer par son double discours au discrédit de la parole politique qu’ont sanctionnée les abstentionnistes.
dans l’hebdo N° 1297 Acheter ce numéro
Au soir des élections municipales, plusieurs députés , incarnant la gauche du Parti socialiste, actaient le désaveu infligé au gouvernement. Il est certain que, comptes faits dans leur circonscription, ils ont des raisons de s’inquiéter. Rien de tel qu’une claque électorale pour réveiller ceux-là mêmes qui ont soutenu le gouvernement et avalé toutes les couleuvres depuis deux ans. Inquiets pour leur réélection, ils se révèlent rebelles.
Un peu tard, mais à juste titre, ils dénoncent le virage à droite du chef de l’État, virage que la nomination de Manuel Valls au poste de Premier ministre vient couronner. C’est dans ce contexte que la gauche du Parti socialiste pourrait ne pas voter la confiance à un gouvernement qui a perdu celle des Français, comme le souligne le député Pouria Amirshahi.
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Leur situation est paradoxale. Ce paradoxe éclatera lors des élections européennes qui auront lieu dans moins de huit semaines et pour lesquelles plusieurs représentants de la gauche du PS figurent en position éligible. Dès dimanche soir, Benoît Hamon, nouveau ministre de l’Éducation et caution de gauche du gouvernement Valls, appelait à la mobilisation derrière le porte-drapeau des sociaux-démocrates européens, M. Schulz, dont « l’élection » à la tête de la Commission européenne « changerait tout ». En tous cas, cela ne changerait pas l’orientation du gouvernement français. Force est de constater, en effet, que la ligne du candidat Schulz est, transposée au niveau européen, la ligne du gouvernement français actuel, et réciproquement. L’un comme l’autre acceptent sans sourciller le dogme de l’austérité, le budget à minima de l’UE ou encore la fuite en avant libérale que constitue le grand marché transatlantique voulu par la Commission européenne et les États-Unis. Depuis son arrivée aux affaires, François Hollande est loin d’avoir engagé une quelconque confrontation avec la politique de la Commission européenne. Renonçant à une promesse de campagne, il a imposé le traité budgétaire européen (TSCG) au Parlement français, contre un fantomatique pacte de croissance.
Pire encore, depuis deux ans, les eurodéputés socialistes français sont pieds et poings liés devant les positions acceptées par Hollande au Conseil, comme ce fut le cas sur les perspectives financières 2014-2020, pourtant indigentes au regard des défis qui attendent l’Europe. Imaginer qu’une éventuelle victoire des sociaux-démocrates européens et la nomination de Martin Schulz à la présidence de la Commission permettraient une réorientation de l’Europe relève au mieux de la méthode Coué, au pire du double langage.
C’est précisément ce double discours qui discrédite la parole politique et qu’ont sanctionné les abstentionnistes. De ce point de vue, l’aile gauche du Parti socialiste participe à cette fracture avec les militants et les électeurs socialistes.
Les deux années écoulées ont prouvé que la présence de la gauche du PS dans la majorité n’a pas permis d’infléchir sensiblement la politique décidée par le chef de l’État. Dès lors, de deux choses l’une. Soit la gauche du PS est cohérente avec elle-même et elle doit quitter le PS. Soit elle doit cesser de s’exclamer que tout va dès qu’une élection approche et que tout va mal, une fois la débâcle consommée.
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