« Libé » et le discounter (À flux détendu)
Dans l’affrontement qui oppose les salariés de Libération et son actionnaire Bruno Ledoux, la semaine dernière fut un moment critique.
dans l’hebdo N° 1298 Acheter ce numéro
Dans l’affrontement qui oppose actuellement les salariés de Libération et son actionnaire Bruno Ledoux, la semaine dernière a constitué un moment critique. Le jour même où le nouveau directeur opérationnel, Pierre Fraidenraich, fraîchement nommé par Ledoux, devait être auditionné par les salariés, ceux-ci signaient un portrait au vitriol de cet ancien d’Infosport et d’i-Télé dans les pages « Nous sommes un journal », où l’équipe de Libé rend compte des aléas de la crise que traverse le quotidien. Des pages dont l’existence en soi est précieuse, car cet outil de lutte, au vu et au su de tous, renseigne aussi, plus largement mais concrètement, sur les problèmes auxquels la presse est confrontée. La rencontre fut électrique et vaine. Fraidenraich, étranger à la presse écrite, a soutenu le projet de Bruno Ledoux de transformer Libé en un « Flore du XXIe siècle », usant d’expressions séduisantes comme « puissance de la marque » ou « pari de profitabilité ». Le fait qu’il soit réputé de droite et ami de Sarkozy n’arrangeant rien à l’affaire. Mais, à l’encontre de Pierre Fraidenraich, il y eut plus accablant encore : les textes de soutien rédigés par d’ex-collègues de rédactions où il est passé, et dont Ledoux a exigé la publication dans Libé. Ce n’est pas faute d’éloges sincères. Ainsi, ces anciens d’i-Télé tressent leurs plus belles louanges quand ils rappellent que « [Fraidenraich] est un adepte du journalisme low cost », ajoutant dans une fine analyse « qu’il n’en est pas l’inventeur, c’est la révolution digitale la fautive, et pas le choix, il faut s’adapter ». Les mêmes témoignent de leur reconnaissance éternelle envers celui « qui a développé les parrainages et publireportages sans grand intérêt journalistique mais qui ont eu le mérite de faire entrer de l’argent dans les caisses ». L’avenir de Libé, « Flore du XXIe siècle » ou Leader Price de la « profitabilité » ?