Roms: « Une parole haineuse s’est libérée »

À l’occasion de la journée internationale des Roms, le 8 avril, Amnesty International publie un rapport sur les violences qui s’exercent contre ces familles, notamment en France.

Ingrid Merckx  • 8 avril 2014 abonné·es

France, Grèce, République tchèque : l’intolérance à l’égard des Roms grimpe dans trois pays de l’Union européenne. Cela se traduit par des violences physiques perpétrées par des policiers et des « riverains ». Amnesty International a publié le 8 avril, à l’occasion de la journée internationale des Roms, un rapport qui s’appuie sur des témoignages relatant certaines de ces violences, notamment à Marseille[^2]. Les explications de Caroline Godard, membre de Rencontres tsiganes, association qui défend depuis dix ans les droits des Tsiganes français ou non dans la cité phocéenne.

Quelles violences avez-vous constatées à Marseille à l’encontre des Roms ?
Caroline Godard [[Caroline Godard est membre de Rencontres tsiganes, association de défense des droits des Roms
à Marseille.]]: Dans le rapport d’Amnesty, il s’agit de violences physiques. Fin septembre 2012, des habitants de la cité des Créneaux, dans les quartiers nord, ont mis le feu au camp rom mitoyen. Une cinquantaine de personnes s’étaient installées quelques jours plus tôt dans ce quartier en démolition quand leur camp a été aspergé d’essence.
Une autre affaire concerne une famille rom vivant dans un squat. Un jour, des personnes qui se sont présentées comme les propriétaires ont fait irruption dans les lieux et ont vaporisé des gaz lacrymogènes. La famille a quitté le quartier sans porter plainte. Les Roms n’ont aucune confiance en la police.

Illustration - Roms: « Une parole haineuse s’est libérée » - Démantèlement d'un camp de Roms à Marseille, le 21 octobre 2013. (Photo: CITIZENSIDE/GEORGES ROBERT)

D’autant que, dans ce rapport, vous faites état de violences policières…
En effet, Médecins du monde a signalé au procureur des intimidations et des violences perpétrées par des policiers sur des familles roms. Le même équipage revenait tous les jours les importuner, notamment en déchirant leurs tentes. Un soir, les policiers ont lancé des gaz lacrymogènes. Un homme a été grièvement blessé. Une enquête a été lancée auprès de l’IGPN, la police des polices, car cette équipe n’était pas en mission. C’était du harcèlement.

La police vous paraît-elle hostile aux Roms ?
On rencontre deux cas de figure : les policiers odieux et violents à l’égard des Roms et ceux qui en ont assez de faire « le sale boulot » lors des expulsions. Expulser des familles d’un camp au petit matin leur est d’autant plus pénible qu’ils savent qu’ils vont les trouver quinze jours plus tard un peu plus loin.

La circulaire d’août 2012 relative aux campements illicites a-t-elle modifié la situation ?
Oui, sensiblement. Auparavant, nous avions trois préfets de police, de région et de l’égalité des chances qui tenaient des propos très hostiles aux Roms. Depuis la circulaire de 2012 et l’arrivée de la nouvelle préfète, Marie Lajus, l’état d’esprit n’est plus tout à fait le même. Marseille serait l’une des rares villes où les comités de suivi instaurés par la circulaire sont effectifs. Ces comités, regroupant élus, collectivités et associations, se réunissent régulièrement pour dresser un état des lieux des camps et évaluer les conditions de vie : salubrité, sanitaires, solutions éventuelles…

Les violences à l’encontre des Roms ont-elles flambé ?
Il y a toujours eu des réactions de violence à l’égard des Tsiganes. L’arrivée des Roms migrants est récente et l’on oublie trop souvent qu’ils ne sont pas clandestins : citoyens européens, ils ont le droit de séjourner au moins trois mois en France. Mais, depuis le discours de Grenoble, en juillet 2010, une parole haineuse s’est libérée, entraînant des actes violents. Les propos de certains élus locaux, ou la « compréhension » affichée par d’autres devant des violences de « riverains », en désinhibent certains, qui se croient autorisés à se montrer violents.
Face au chômage et à la crise, les crispations s’enflamment : « Pourquoi s’occuper d’eux alors que, moi, je n’ai ni logement ni travail ? » Je réponds toujours : « Les Roms sont entre 15 000 et 20 000 en France, peut-être 2 000 dans les Bouches-du-Rhône. Un chiffre stable. Le chômage, ils n’y sont pour rien. Ce sont des précaires comme les autres. »

Ces actes sont-ils punis ?
À condition que les victimes portent plainte ! Les longues procédures les découragent. Mais les propos racistes des élus font l’objet de poursuites par les associations.
Cela dit, on commence à penser que les Roms migrants vont rester et que, par conséquent, il faut trouver des solutions. Leur donner accès à l’emploi et trouver des possibilités de logement qui ne soient pas forcément des dispositifs spécifiques. Il faut en finir avec la politique d’évacuation systématique qui coûte cher et casse le travail social amorcé avec les familles, dont la scolarisation des enfants. En l’absence de solution immédiate de relogement, trouvons plutôt comment les stabiliser dans les moins mauvaises conditions possibles.

Propos recueillis par Ingrid Merckx

[^2]: Rapport sur les violences à l’égard des Roms en France, en République tchèque et en Grèce.

Société
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