Une fiscalité plus juste s’impose
L’économiste Philippe Légé présente les réformes fiscales prioritaires que le nouveau gouvernement pourrait mettre en place rapidement.
dans l’hebdo N° 1297 Acheter ce numéro
Les mesures fiscales proposées par Philippe Légé, membre des Économistes atterrés, contribueraient à alléger l’imposition des ménages, en particulier les plus modestes.
Revoir les engagements européens
Quelle serait la première mesure fiscale à mettre en place ? L’économiste Philippe Légé répond sans hésiter que la priorité serait de revoir les engagements pris au niveau européen, « qui exercent une forte contrainte sur les choix politiques en matière de fiscalité ». Il rappelle que, dans son programme présidentiel, François Hollande avait promis de renégocier le traité budgétaire européen (TSCG). « Il faut mettre en cause les engagements sur la trajectoire du déficit français. Il faut donc revoir les traités, en particulier le TSCG, accepté par François Hollande dès le lendemain de son élection, puis adopté par le Parlement. Le TSCG est inapplicable, car il repose sur la notion très controversée de réduction du déficit structurel à 0,5 %. » L’économiste souligne aussi que la France a enregistré un déficit public de 4,3 % du PIB en 2013, supérieur à celui escompté (4,1 %). « Le nouveau gouvernement ne tiendra pas le cadre fixé dans son programme de stabilité. Il faut remettre en cause ce cadre, sachant que le détail des baisses de dépenses publiques doit être communiqué avant la fin du mois d’avril à la Commission européenne. »
Réformer la fiscalité des entreprises
Philippe Légé recommande ensuite de revoir les mesures qui n’étaient pas prévues dans le programme de François Hollande : « Il s’agit des cadeaux fiscaux aux entreprises annoncés à l’automne 2012, en particulier le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et, plus récemment, le pacte de responsabilité. L’ensemble représente 30 milliards d’euros. Mais, si l’on s’en tient aux déclarations de Bercy, c’est davantage. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie, a annoncé qu’on allait vers de nouveaux allégements fiscaux et sociaux pour près de 5 milliards. » Les allégements seraient donc en réalité de 35 milliards d’euros par an : « Cela représente l’équivalent de 40 % des recettes de l’impôt sur le revenu, ce qui est gigantesque. C’est quasiment la moitié des dépenses pour l’enseignement scolaire. » Pour Philippe Légé, « l’engagement européen de réduction du déficit public et le manque à gagner de recettes dues aux cadeaux fiscaux produisent une très forte pression sur la fiscalité des ménages et sur les dépenses publiques ». L’économiste propose d’élargir l’assiette de l’impôt sur les sociétés (IS) : « Le Conseil des prélèvements obligatoires a mis en évidence que les entreprises du CAC 40 ne paient que 8 % au titre de l’IS. Et le président de la Commission des finances, Gilles Carrez, a montré que ces sociétés n’ont payé que 4 % d’impôt sur les bénéfices, chaque année, entre 2007 et 2009 ». À l’automne 2013, dans le projet de loi de finances discuté au Parlement, un élargissement de l’assiette de l’IS était prévu, « consistant à remplacer l’assiette actuelle par l’excédent brut d’exploitation, qui inclut une partie de l’investissement. Le patronat ayant protesté, le gouvernement a émis l’idée d’utiliser comme assiette l’excédent net d’exploitation, qui ne prend pas en compte les amortissements et donc ne frapperait pas l’investissement, ce qui était une excellente initiative ». Mais elle n’est toujours pas programmée.
Rééquilibrer l’imposition des ménages
L’impôt sur le revenu (IR) et l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) « ne représentent que près de 20 % des recettes fiscales de l’État », souligne Philippe Légé, qui propose d’ajouter une tranche supplémentaire à l’impôt sur le revenu. « Il existe une tranche à 45 % qui concerne les revenus supérieurs à 151 000 euros. On pourrait réduire ce seuil en le portant à 100 000 euros et ajouter une tranche supplémentaire à 60 %, sachant que la taxe à 75 % ne concerne que les salaires supérieurs à un million d’euros et n’a qu’un caractère temporaire. » L’économiste indique qu’avec les marges dégagées « un des objectifs devrait être la baisse de la TVA, un impôt socialement régressif. Le taux intermédiaire de la TVA a considérablement augmenté en 2014, ce qui est scandaleux ! Des services de transport sont ainsi davantage taxés, alors qu’ils sont socialement utiles. Et c’est en contradiction avec les objectifs écologiques que le gouvernement entend porter ».