Vie de star

Mille Soleils, un film splendide de Mati Diop.

Christophe Kantcheff  • 3 avril 2014 abonné·es

Grand cinéaste sénégalais, Djibril Diop Mambéty a tourné en 1973 Touki Bouki, l’histoire d’un berger, Mory, et d’une étudiante, Anta, qui mettent tout en œuvre pour partir en France. Mais, au moment de monter sur le bateau, alors qu’Anta se tient sur le pont, Mory reste sur le quai. Il n’ira pas en France et les deux amoureux seront définitivement séparés. Mati Diop, nièce de Djibril Diop Mambéty, a filmé, quarante ans plus tard, Magaye Niang, le comédien qui interprétait Mory et dont l’histoire s’inspirait de sa vie, et en a fait un moyen métrage, Mille Soleils .

Mati Diop montre un Magaye Niang toujours berger, à l’allure de vieux lion hiératique, la démarche lente et élégante. Les images du film sont de la même eau, toujours splendides, dans un Dakar le plus souvent nocturne. Magaye Niang doit se rendre à la projection, sur une grande place de la ville, de Touki Bouki. Il dit à sa femme qu’il y sera considéré comme une « star » et qu’il peut donc y aller en jean avec ses vieilles bottines. Personnage solaire, Magaye Niang est désormais une « star » déchue, non reconnue par les jeunes. Ce qui le rend plus magnifique encore. Quand il téléphone à son amoureuse de l’époque, désormais exilée aux États-Unis, à laquelle il n’avait pas parlé depuis quarante ans, il lui dit ne pas avoir bougé de son banc. S’il est resté à Dakar, Magaye Niang a pourtant bien voyagé, et il est allé loin : par le rêve, l’évasion. Magaye Niang est un poète sans mots : ses gestes et ses regards composent des vers dans la matière du réel.

Cinéma
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