À Kaliningrad, le nucléaire aux oubliettes
Le projet de centrale nucléaire est enterré dans la plus grande indifférence, mais à la satisfaction des opposants.
dans l’hebdo N° 1302 Acheter ce numéro
Plus qu’un refus, c’est un abandon, en silence. Moscou se détourne du projet de centrale nucléaire à Kaliningrad, au cœur de l’Europe, sans mot dire. Depuis les prémices du projet, dans les années 1990, la population locale s’y oppose fermement. Et pour cause. Le dossier compte de multiples lacunes quant à la gestion des déchets, d’un démantèlement ultérieur ou, pire, d’un accident majeur. Aucune déclaration officielle n’a été faite sur l’arrêt du projet et l’Agence fédérale de l’énergie atomique (Rosatom) persiste à dire qu’il suit son cours. Cependant, pour Vladimir Slivyak, de l’association russe Ecodefense, le désistement ne fait aucun doute. « Ce projet a progressivement perdu tout soutien de la part des autorités russes, jusqu’à n’être même plus mentionné au cours de leurs discussions sur l’avenir énergétique de la région, début avril. » La construction est déjà à l’arrêt depuis un an.
Difficile de dire si les impacts environnementaux ou l’opposition locale ont pesé dans la décision de Moscou. « Le projet ne tenait pas la route économiquement, fait valoir Lucie Pinson, des Amis de la Terre. Les coûts étaient faramineux et il n’y avait pas d’acheteurs pour l’électricité produite. » L’abandon du dossier met aussi en échec une stratégie industrielle et commerciale française consistant à promouvoir la technologie nucléaire à l’étranger. En juin dernier, quand le projet commençait à s’enliser, l’ambassadeur français de Russie, Jean de Gliniasty, était allé sur place pour le soutenir. La Société générale projetait de structurer le financement export des turbines d’Alstom pour Kaliningrad. Les Amis de la Terre avaient interpelé la banque, mais aussi la BNP, qui avait finalement renoncé à s’engager.