Ensemble ! : « Changer de majorité au plus tôt »

Le débat se poursuit dans Politis. Après notre entretien avec Pouria Amirshahi et la tribune de Christian Picquet, voici le point de vue de quatre membres du courant Ensemble !, la troisième force du Front de gauche.

Politis  • 15 mai 2014 abonné·es

Personne ne va minimiser les derniers événements. Il faut donc décrire précisément le nouveau panorama et le chemin qui peut se dessiner. La « majorité » obtenue par Manuel Valls est due à l’abstention bienveillante d’une trentaine de députés de droite. Ces options fondamentales du gouvernement nous ouvrent un champ des possibles pour construire une autre légitimité, réellement opposée aux options de Sarkozy et du Medef. À condition d’agir sans illusions, évidemment. Une hirondelle ne fait pas le printemps et les abstentions de 41 députés PS, comme les votes éclatés de députés EELV, ne font pas un changement de majorité à portée de main. Pouria Amirshahi a raison de rejeter « un sectarisme établissant qu’il existe un mur infranchissable entre deux gauches ». Il n’en doute pas, un courant large se regroupe contre « la dérive de la politique menée par l’exécutif » .

Nous sommes nombreux à penser que les choix de François Hollande et de la majorité de la direction du PS ont rompu avec un minimum d’identifiants fondamentaux de la gauche ; quel gouvernement avait à ce point sacrifié les salariés, les retraités, les chômeurs au nom des « demandes » du patronat ? Comment faire passer pour supportable le sacrifice d’une grande partie de la santé et du financement solidaire de la protection sociale pour accroître les cadeaux à un patronat qui s’enrichit et va spéculer ailleurs, détruisant emplois et activités utiles et qualifiées pour les jeunes ? Regrouper tous ceux qui refusent cette politique, n’en rejeter aucune nuance par sectarisme ? Certes, oui, mais n’allons pas proclamer trop vite « un nouveau bloc majoritaire », comme le fait Christian Picquet en reprenant les termes chatoyants de « rose-vert-rouge » pour ressusciter la gauche plurielle. Les institutions de la Ve République sont telles que, sans de grandes mobilisations amenant une crise institutionnelle, nous subirons la majorité actuelle, plus ou moins centriste, pour trois ans de plus, avec la perspective du retour de la droite dure alliée à l’extrême droite. Nous pouvons faire du neuf, rompre avec cette logique institutionnelle, à condition de refuser le sectarisme comme les postures œcuméniques illusoires. Nous ne sommes pas enfermés dans des pratiques politiques étriquées : en totale autonomie à l’égard du PS, nous proposons des mobilisations capables de rappeler vers l’action la colère des abstentionnistes comme celle des électeurs de gauche en 2012. Soyons constructifs : proposons des options qui reclassent et peuvent regrouper ! Le refus de la « dette à rembourser », à l’opposé du thème de fusion entre le gouvernement et la droite. Le prochain budget en juin : ceux qui le combattront se regrouperont. Le traité transatlantique : ceux qui le feront cesser marqueront leur opposition au néolibéralisme. Le rejet des carcans européens…

Construire avec toutes les forces qui le veulent, telle était d’ailleurs la tonalité dominante de la marche « contre l’austérité, pour l’égalité et le partage des richesses » du 12 avril. Elle a mis un peu de perspectives dans le paysage désolant des élections municipales, qui ont vu la montée de l’abstention à gauche et la poussée de la droite et de l’extrême droite. Contre le pacte de responsabilité, la politique répressive envers les étrangers et les militants syndicaux et associatifs, et pour faire naître l’espoir dans des alternatives à l’austérité, pour le droit au logement, l’égalité des droits contre le sexisme et le racisme, le développement durable, des premières propositions ont été émises. Un nouveau statut du travail, garantissant une activité et des revenus tout au long de la vie, est possible et doit être débattu. Comme une socialisation des grandes entreprises sous un contrôle démocratique donnant toute leur place aux salariés. Tout cela fera partie des discussions avec les militants d’EELV qui le souhaiteront, comme avec le regroupement qui s’affirme dans le PS. Notre pays est capable d’inventer un printemps en automne, tout en construisant collectivement une nouvelle force politique pour lutter contre les inégalités et les discriminations, pour une utilisation démocratique des richesses et de tous les moyens pour une transformation écologique et solidaire. Oui, agissons pour ce qui est possible !

Politique
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