Ensemble ! Le nouveau souffle

Plus féministe et écolo que le PCF. Aussi « autonomiste » vis-à-vis du PS que le Parti de gauche (PG), mais convaincue que la politique ne se fait pas du haut vers le bas… Coiffée d’un point d’exclamation aussi opiniâtre qu’enthousiaste, Ensemble ! est la plus jeune et la moins connue des composantes du Front de gauche (FG). Une coquille de noix comparée au paquebot PCF et au cargo PG. Mais qui pourrait bien être le remède à la crise que traverse la coalition depuis les municipales.

Regroupement de cinq partis  [^2], la dernière-née (en novembre 2013) du Front de gauche, 2 500 adhérents revendiqués, ambitionne de rassembler sous une même bannière la galaxie, jusque-là éclatée, de la « gauche radicale » : ex-NPA, communistes critiques, écolos de gauche, mais aussi « nonistes » de 2005 ou altermondialistes… Tout ce petit monde était réuni fin avril pour le premier conseil national d’Ensemble ! accueilli, ironie de l’histoire, à Montreuil (93), temple de la guerre des gauches. « C’est vrai qu’on vient de cultures politiques différentes, mais on se connaît bien, et on a tiré le bilan de la cartellisation de l’extrême gauche », assure David Hermet, venu de l’Hérault, une des terres d’implantation d’Ensemble ! au même titre que la Seine-Saint-Denis et la région Paca. Ce qui fait vibrer ce prof montpelliérain, ancien de la LCR, et troisième sur la liste de Mélenchon dans le Sud-Ouest aux européennes ? Dessiner une troisième voie, davantage « tournée vers le mouvement social que centrée sur les élections ». Et pourquoi pas rééditer les belles heures de 2012, lorsque le FG attirait jeunes, primo-militants ou déçus d’une extrême gauche jugée trop sectaire… Inventer un mouvement large, souple, et radical. À mi-chemin entre les vieilles organisations partidaires et les purs réseaux mouvementistes où, faute de chef, on est incapable de trancher. « On est aux antipodes du culte du leadership à la Chavez que l’on retrouve notamment au PG, résume Christophe Aguiton, ancien syndicaliste, cofondateur d’Attac et proche des mouvements de chômeurs. Nous pensons qu’il faut diversifier le Front de gauche, qu’il y ait une pluralité de représentants et de lignes en son sein. » Ou, pour le dire autrement : plus de débats et un peu moins de conflits. Face au duel fratricide qui continue en sourdine entre PCF et PG, Ensemble! est un peu le tiers pacificateur. « On n’est pas là pour faire les casques bleus, mais, ce que j’ai appris de mes années au NPA, c’est qu’il faut trouver ce qui rapproche plutôt que ce qui divise », souligne Myriam Martin, ancienne de la Gauche anticapitaliste et tête de liste FG dans le Grand Ouest. Mettre de l’huile dans les rouages en interne. Mais aussi à l’extérieur : plus proche sur la forme de l’esprit autogestionnaire et « girondin » des Verts, Ensemble !, dont bon nombre de militants avaient fait la campagne de José Bové en 2007, a trouvé les mots pour entamer un dialogue bilatéral avec la gauche d’EELV. Les passerelles sont nombreuses : réflexion sur la transformation des centres urbains, la transition énergétique, mobilisation autour de Notre-Dame-des-Landes… Mais l’objectif premier d’Ensemble ! reste de renouer avec la dynamique de terrain : « L’erreur politique du PG et du PCF, c’est de n’avoir pas structuré les collectifs locaux qui avaient fleuri pendant la présidentielle. Or le FG ne doit pas être un cartel électoral : il doit retrouver une forme citoyenne plus large pour rester dans cette logique du rassemblement », estime Clémentine Autain, qui avait fait la campagne de Mélenchon sous les couleurs de la Fase. Fédéralisme et horizontalité. Sans oublier le rétablissement des liens avec les syndicats et le monde associatif : la feuille de route est fournie. Et le chemin sera sinueux. « Il est urgent de revoir la stratégie du FG, mais faire valoir notre vision ne se fera pas sans remous, concède Pierre Laporte, ancien communiste passé chez les Alternatifs, aujourd’hui maire adjoint de Tremblay-en-France (93). Pourtant, devant l’échec de la politique de Hollande nous n’avons pas d’autre choix que de recréer une dynamique. » « Oui, on croit que ça va marcher, positive Christophe Aguiton. Regardez en Europe, partout, les forces antilibérales se regroupent ! »

En attendant le grand soir, les européennes seront un premier test. « On ne gagnera que dans les circonscriptions où on aura fait un travail collectif avec le PCF, le PG, la Gauche unitaire [cofondateur du FG, ce minuscule parti a souhaité rester indépendant, NDLR]  », prédit Myriam Martin. Si on peut compter sur Ensemble ! pour le mener à bien, la Gauche unitaire a annoncé la semaine dernière qu’elle suspendait sa participation aux instances du FG, jugé trop « gauchiste [^3] ». La veille, des communistes publiaient des tribunes dans l’Humanité pour dénoncer la « stratégie [de] l’autonomie électorale » vis-à-vis du PS. La coquille de noix se prépare décidément à de belles tempêtes.

[^2]: La Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase), Les Alternatifs, Convergences & alternative (C&A) et la Gauche anticapitaliste (GA), deux courants du NPA qui ont fait scission en 2011, et une partie de la Gauche unitaire (GU).

[^3]: Voir sur Politis.fr « Front de gauche : Gauche unitaire menace de claquer la porte.