Épopées intérieures

Deuxième disque du duo fondé par Michel Cloup, marqué par une puissance sonore et émotionnelle.

Jacques Vincent  • 1 mai 2014 abonné·es

Si la plupart des duos laissent entendre leur minimalisme, celui que Michel Cloup, après Diabologum et Expérience, a formé avec Patrice Cartier, ex-batteur d’Expérience, a plutôt l’ampleur d’un power trio. C’est une trilogie à l’œuvre : voix, guitare, batterie. Trilogie insolite dans laquelle les trois éléments sont placés au même niveau et dont l’une des caractéristiques est la puissance. Puissance dans la combinaison d’un batteur à la frappe sèche, furieuse et déterminée et d’un guitariste à l’instrument gorgé d’électricité. Une musique qui joue aussi sur l’espace et le temps. L’espace que s’approprient un son plein et de fréquentes envolées lyriques ; le temps laissé aux chansons, dont la plupart avoisinent les cinq minutes, l’une d’elles les dépassant même de très loin.

Ainsi, d’entrée, c’est un martèlement sourd ** qui résonne dans tout le corps, un tambour sur le sentier de la guerre et une guitare saturée. La voix, pourtant, est calme pour évoquer l’amour, le couple au mitan de la vie, à un moment où on a « lâché en route pas mal de certitudes », où il faut vivre avec les doutes et la complexité de la vie et des rapports humains (« Il y a toi/Il y a moi/Il y a nous entre guillemets/Et ce nous devient flou »). Avec la peur aussi. La peur qui pousse aux excès (« Calmer le feu avec un incendie/Arroser d’alcool et d’autres produits »). La musique est à l’unisson de ce maelström de sentiments emmêlés : grondante, menaçante. Et les chansons s’avèrent des épopées intérieures à trois voix. La plus spectaculaire, « Dans tes bras 2 », s’étend sur plus de douze minutes, dont la moitié est instrumentale. Flottements et frottements, de cordes et de cymbales, dessinent un paysage incertain, impressionniste, comme pris dans la fournaise. Une manière de psychédélisme noir, comme on parle de roman noir. Un « The End » des Doors sans le mélodrame antique. « Bientôt le sommeil/Le vrai sommeil/Bientôt le silence/Le vrai silence. » Ce sont les derniers mots prononcés par le narrateur, dont la voix disparaît pour être remplacée par une voix féminine. Après tant de trouble et de confusion, le finale se résume à cette certitude : « Nous vieillirons ensemble. » Comme un apaisement.

Musique
Temps de lecture : 2 minutes