Équité
Bien sûr, personne ne dit que cette… cette touriste a un peu cherché les ennuis, hein, à se montrer si avenante…
dans l’hebdo N° 1302 Acheter ce numéro
Il arrive, de fait, que la presse de droite (P2D) se montre un peu rugueuse dans son appréhension des problématiques liées à ce qu’elle appelle – avec un peu d’insistance – « l’insécurité ». De sorte qu’on la soupçonnerait presque de manquer parfois, lorsqu’elle évoque la « délinquance », de retenue. Mais en vrai : non. En vrai, la P2D est, dans ces matières, beaucoup moins figée qu’on ne pourrait le penser – et peut même pousser assez loin, dans sa présentation de certains faits divers, son devoir d’équité.
Dans l’affaire du « viol présumé » d’une jeune femme par des policiers du 36 quai des Orfèvres, par exemple, les gens du Journal du dimanche – immédiatement relayés par ceux du Figaro de Serge Dassault (qui ont fait preuve, là, de beaucoup plus de célérité qu’ils n’en mettent à évoquer les affaires où apparaît le nom dudit) –, loin de s’en tenir à la seule version de la plaignante, se sont fait un devoir de rapporter aussi celle des « membres de la Brigade de recherche et d’intervention » (BRI) mis en cause – telle qu’elle ressort d’un procès-verbal (qui leur a donc été gentiment communiqué par des interlocuteurs dont la prévenance impressionne).
D’après ce document, que ces deux publications – puis beaucoup d’autres après elles – citent ces heures-ci à satiété, « la touriste canadienne, dont les accusations de viol secouent la police judiciaire parisienne », était, je cite : « avenante ». Et déjà, tu reconnaîtras : c’est pas rien.
Mais de surcroît – et toujours d’après le procès-verbal que des âmes charitables ont transmis à la P2D –, sa « personnalité » est « complexe ». Car – tiens-toi bien – cette « Canadienne, âgée de 34 ans, en vacances depuis une semaine à Paris, aurait fréquenté à plusieurs reprises l’établissement » – un débit de boissons maltées – dans lequel les fonctionnaires de la BRI « ont leurs habitudes ». Et là : « “À chaque fois, elle a consommé du whisky et des bières en grande quantité”, a confié l’une des barmaids aux enquêteurs. » Pis : « Assez à l’aise en français, elle aurait, au cours de cette soirée arrosée » où elle affirme avoir été violée, « embrassé des policiers » – dont nous apprenons au passage, et par ailleurs, que ce n’est « pas la première fois [qu’ils] amènent des conquêtes [^2] dans [leurs] bureaux »…
Et bien sûr : personne ne dit que cette… cette… cette touriste a quand même un peu cherché les ennuis, hein, à se montrer si avenante. On n’est pas comme ça, mâme Dupont, on a des valeurs – et du professionnalisme à revendre. Si qu’on vous raconte tout ça, c’est pas du tout pour jeter des soupçons dégueulasses sur la victime d’un « viol présumé » – ou pour suggérer qu’elle aurait quand même pu se tenir un peu, cette… cette… Canadienne : c’est juste qu’on trouve juste de rapporter plusieurs points de vue, même s’il arrive des fois que nous nous affranchissions de cette… Mais ? Pourquoi vous vomissez, mâme Dupont ?
[^2]: C’est moi qui souligne – à la fin que nous réfléchissions à ce que sous-entend le choix de ce mot…
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.