Équité

Bien sûr, personne ne dit que cette… cette touriste a un peu cherché les ennuis, hein, à se montrer si avenante…

Sébastien Fontenelle  • 8 mai 2014 abonné·es

Il arrive, de fait, que la presse de droite (P2D) se montre un peu rugueuse dans son appréhension des problématiques liées à ce qu’elle appelle – avec un peu d’insistance – « l’insécurité ». De sorte qu’on la soupçonnerait presque de manquer parfois, lorsqu’elle évoque la « délinquance », de retenue. Mais en vrai : non. En vrai, la P2D est, dans ces matières, beaucoup moins figée qu’on ne pourrait le penser – et peut même pousser assez loin, dans sa présentation de certains faits divers, son devoir d’équité.

Dans l’affaire du « viol présumé » d’une jeune femme par des policiers du 36 quai des Orfèvres, par exemple, les gens du Journal du dimanche – immédiatement relayés par ceux du Figaro de Serge Dassault (qui ont fait preuve, là, de beaucoup plus de célérité qu’ils n’en mettent à évoquer les affaires où apparaît le nom dudit) –, loin de s’en tenir à la seule version de la plaignante, se sont fait un devoir de rapporter aussi celle des « membres de la Brigade de recherche et d’intervention »  (BRI) mis en cause – telle qu’elle ressort d’un procès-verbal (qui leur a donc été gentiment communiqué par des interlocuteurs dont la prévenance impressionne).

D’après ce document, que ces deux publications – puis beaucoup d’autres après elles – citent ces heures-ci à satiété, « la touriste canadienne, dont les accusations de viol secouent la police judiciaire parisienne », était, je cite : « avenante ». Et déjà, tu reconnaîtras : c’est pas rien.

Mais de surcroît – et toujours d’après le procès-verbal que des âmes charitables ont transmis à la P2D –, sa « personnalité » est « complexe ». Car – tiens-toi bien – cette « Canadienne, âgée de 34 ans, en vacances depuis une semaine à Paris, aurait fréquenté à plusieurs reprises l’établissement » – un débit de boissons maltées – dans lequel les fonctionnaires de la BRI « ont leurs habitudes ». Et là : «  “À chaque fois, elle a consommé du whisky et des bières en grande quantité”, a confié l’une des barmaids aux enquêteurs. » Pis : « Assez à l’aise en français, elle aurait, au cours de cette soirée arrosée » où elle affirme avoir été violée, « embrassé des policiers » – dont nous apprenons au passage, et par ailleurs, que ce n’est « pas la première fois [qu’ils] amènent des conquêtes [^2] dans [leurs] bureaux »…

Et bien sûr : personne ne dit que cette… cette… cette touriste a quand même un peu cherché les ennuis, hein, à se montrer si avenante. On n’est pas comme ça, mâme Dupont, on a des valeurs – et du professionnalisme à revendre. Si qu’on vous raconte tout ça, c’est pas du tout pour jeter des soupçons dégueulasses sur la victime d’un « viol présumé » – ou pour suggérer qu’elle aurait quand même pu se tenir un peu, cette… cette… Canadienne  : c’est juste qu’on trouve juste de rapporter plusieurs points de vue, même s’il arrive des fois que nous nous affranchissions de cette… Mais ? Pourquoi vous vomissez, mâme Dupont ?

[^2]: C’est moi qui souligne – à la fin que nous réfléchissions à ce que sous-entend le choix de ce mot…

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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