Manger tue ! Changeons de modèle
Un agronome met en garde contre l’agriculture industrielle et avance un remède d’urgence.
dans l’hebdo N° 1303 Acheter ce numéro
Des tomates sans goût aux races animales domestiques en voie de disparition en passant par le faux progrès représenté par les OGM, l’agronome Marc Dufumier s’attaque aux idées reçues (et administrées) sur l’agriculture française.
Ce défenseur de l’agro-écologie, qu’il mit en œuvre avant même que le mot n’existe, professeur émérite à AgroParisTech, où il occupa la chaire de René Dumont, égratigne les méthodes agricoles dominantes et le contenu de nos assiettes. Un coup de gueule appuyé sur des connaissances scientifiques qu’il a appliquées un peu partout dans le monde, contestant les méthodes vendues en France et dans le monde entier par les multinationales de l’agro-industrie. Le réquisitoire dépassionné est sérieusement argumenté, divisé en une cinquantaine de chapitres d’une lecture aisée. La thèse est simple et claire : « L’agriculture doit changer de modèle de développement. » Il en va de la préservation du métier de paysan, de l’avenir de notre environnement et de la santé des consommateurs. Marc Dufumier insiste surtout sur deux points : « Si l’espérance de vie a progressé entre 1960 et 2000, désormais elle stagne […]. Les jeunes auront été plus longtemps exposés aux pesticides dans l’alimentation et l’eau que leurs parents […] et, pour les mêmes raisons, l’espérance de vie en bonne santé a commencé de baisser. » D’ailleurs, explique-t-il, « l’agriculture pollue plus les rivières et les nappes phréatiques que l’industrie ». Tout en dénonçant la responsabilité écrasante de la grande distribution dans la progression de la malbouffe.
Quant au remède à apporter d’urgence aux choix agricoles désastreux pointés par l’agronome et à l’explosion des cancers entraînés par les produits chimiques contenus dans nos aliments, il est simple : « Il faut manger bio et équilibré » ! Ce qui implique de consommer moins de viande, même s’il est compliqué d’être végétarien et dangereux d’être végétalien, en raison du déficit en calcium et en vitamines D et B12. Et l’auteur de rappeler que même les Nations unies ont admis qu’il sera possible, dès 2050, de nourrir les 9,5 milliards de terriens avec une agriculture 100 % bio. À condition que soit mis un terme à l’accaparement des terres des pays du Sud par des sociétés privées, une confiscation atteignant déjà plus de 80 milliards d’hectares. Ce livre rigoureux est donc à mettre entre toutes les mains. En commençant par les sénateurs français qui viennent d’examiner la loi d’orientation agricole sous l’œil très attentif de l’agro-industrie et de ses lobbies.