Patrick Le Hyaric : « Nous sommes dans une dynamique populaire »

Patrick Le Hyaric, du Front de gauche, revient sur les apports
et les victoires du groupe de la Gauche unie européenne.

Michel Soudais  • 22 mai 2014 abonné·es
Patrick Le Hyaric : « Nous sommes dans une dynamique populaire »
© **Patrick Le Hyaric** est député européen. Photo : AFP PHOTO/CHARLY TRIBALLEAU

Tête de liste du Front de gauche en Île-de-France, Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité, évoque sans détours ses combats parlementaires depuis son élection en 2009.

Quel bilan tirez-vous de votre expérience d’eurodéputé ?

Patrick Le Hyaric : J’ai constaté combien le Parlement européen décide de choix politiques. Quand il a conforté le traité budgétaire avec des règlements et des directives encore plus contraignants que le traité lui-même, ou quand il s’est prononcé sur la concurrence entre travailleurs, nous n’avons pas trouvé de majorité pour empêcher l’austérité ou réformer convenablement la directive sur les travailleurs détachés. En revanche, nous sommes parvenus à faire capoter l’accord Acta, qui voulait permettre l’accès aux données personnelles des individus. À plusieurs reprises, nous avons refusé majoritairement les OGM. Nous nous sommes battus trois ans pour reconstruire le fonds d’aide alimentaire aux plus démunis, et nous y sommes parvenus. Dans d’autres cas, comme la politique agricole commune (PAC), nous avons permis de petites avancées, évidemment insuffisantes faute de majorité pour plafonner les aides ou aller plus loin dans le verdissement de la PAC.

Est-il possible d’agir en n’étant pas majoritaire ?

Même avec un groupe de 34 membres, nous avons réussi à infléchir des choix politiques, voire à remporter des victoires. Il ne nous a manqué que 10 voix, dont celles de Daniel Cohn-Bendit et de José Bové, pour faire adopter un rapport sur l’égalité femme-homme et le droit à l’avortement. Mais, dans un autre registre, nous avons porté, avec une députée portugaise, un rapport extrêmement important en faveur d’un revenu minimum européen, maintenant sur la table de la Commission.

On annonce votre groupe en forte hausse…

Pour la première fois, nous sommes dans une dynamique populaire, avec d’autres forces progressistes, sous le parrainage d’Alexis Tsipras, que nous avons symboliquement présenté à la présidence de la Commission européenne. Les enquêtes réalisées au niveau européen nous donnent entre 50 et 62 députés, ce qui ferait de la Gauche unie européenne (GUE) le troisième ou quatrième groupe du Parlement européen. De quoi changer beaucoup de choses.

Vous comprenez les électeurs qui refusent d’aller voter, jugeant l’UE illégitime ?

Les forces de l’argent, le média-business et les partis politiques dominants ne veulent pas que les classes populaires expriment leur colère avec le bulletin Front de gauche. C’est un piège terrible tendu à celles et ceux qui, précisément, devraient donner leur opinion pour tirer la construction européenne vers un projet social, un projet de transition écologique, un projet féministe et un projet de solidarité avec les peuples du Sud, au moment où l’Europe ferme ses frontières et rejette à la mer – on le voit quasiment chaque semaine – des gens qui fuient les difficultés, des dictatures ou des guerres.

Élu, sur quoi mettrez-vous l’accent ?

Notre combat sera prioritairement un combat pour sortir les politiques européennes et nationales de la réduction des crédits publics et sociaux, de la compression des salaires, du démantèlement des services publics et de la désindustrialisation. Dès les prochaines semaines, nous proposerons une charte progressiste des droits sociaux fondamentaux pour les salariés dans l’UE. Elle comprendra notamment l’obligation d’aller vers un Smic dans chaque pays en augmentant celui existant, la diminution du temps de travail, le retour à un âge décent de départ en retraite, une égalité femme-homme dans le travail. Nous voulons aussi transformer le projet « garantie jeunesse » en une vraie allocation d’autonomie permettant à chaque jeune d’accéder à un emploi stable, à un logement, à des écoles de la seconde chance ou à des projets de formation. Nous ferons nôtre la proposition de la Confédération européenne des syndicats, qui demande de consacrer l’équivalent de 2 % des richesses produites à un fonds de transition écologique, lequel serait créateur d’un peu plus de 11 millions d’emplois sur dix ans. Les grands enjeux comme les transports, l’énergie, le logement ou la mer nécessitent des mobilisations importantes.

Êtes-vous satisfait de voir le projet d’accord de libre-échange transatlantique venir enfin sur le devant de la scène ?

Nous avons travaillé sur ce projet depuis des années, donné beaucoup d’éléments d’explication. Qu’il fasse irruption dans la campagne est une satisfaction. Le Parlement européen aura la possibilité de stopper ce projet, comme il aura la possibilité de bloquer l’accord de libre-échange avec le Canada. Il faut donc absolument que les électeurs prennent connaissance des dangers de ce projet et utilisent leur bulletin de vote pour que la loi américaine en matière d’emploi, de droit social, de qualité alimentaire ou sanitaire ne s’impose pas sur chacune de nos vies.

Politique
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