PMA : Jacques Testart répond à José Bové
Le biologiste Jacques Testart réagit aux propos de José Bové qui s’est dit opposé à toute forme de procréation médicalement assistée. Tribune.
Après des déclarations controversées de José Bové, le citant abusivement, nous semblait-il, nous avons sollicité une réaction éclairée de Jacques Testart, directeur de recherches honoraires à l’Inserm. En retour, celui-ci nous a adressé le texte suivant:
Les OGM, la PMA, José, et moi *
Une récente déclaration de José Bové a beaucoup choqué la direction d’EELV : « Que ce soit pour les couples homosexuels ou hétérosexuels, que ce soit sur le végétal, l’animal et a fortiori sur l’humain, je suis contre toute manipulation sur le vivant » a déclaré l’eurodéputé le 30 avril (émission Face aux chrétiens).
Puisque José cite mon nom en appui, en soulignant que je ne suis « pas chrétien au départ » , je veux d’abord l’assurer que je ne le suis pas davantage à l’arrivée. Et que mes positions ne sont pas forcément les siennes pourvu que l’on évite les dérives sémantiques largement consacrées dans les médias : la PMA (ou mieux l’AMP) existe bien au-delà de la fantasmatique insémination artificielle au profit de couples homosexuels, et les OGM ne se réduisent pas aux plantes transgéniques (PGM).
Or, je n’ai jamais renié mon implication en fécondation in vitro dans le but de permettre la procréation pour des couples stériles[^2], et je n’ai pas d’opposition envers ces OGM que sont les organismes unicellulaires, cultivés en fermenteur où ils produisent diverses molécules dont des médicaments, ou envers les OGM cobayes (plantes ou animaux) qui constituent des modèles précieux pour la recherche scientifique[^3].
En revanche, je condamne comme José Bové l’impasse technologique des plantes pesticides, bricolage coûteux et périlleux qui contredit les approches scientifiques pour nourrir l’humanité en préservant l’environnement. Et je critique l’expérimentation humaine pour concevoir des enfants délibérément privés de leurs origines (anonymat du géniteur) en exigeant abusivement le concours de la biomédecine, ou la fabrication d’enfants sur mesure (tri des embryons).
Aussi, ce ne sont pas l’ensemble des « manipulations » du vivant qui me paraissent illégitimes mais seulement celles qui s’opposent au bien commun par leur absurdité (PGM), leur déni de l’autonomie des personnes (insémination médicalisée), l’instrumentalisation d’autres humains (enfants ou mères porteuses) ou la construction d’une humanité arbitrairement codifiée (sélection embryonnaire). Si les OGM et l’AMP méritent l’attention des politiques, la clarification exige de dire de quoi on parle, et de justifier pourquoi on le refuse.
- Ce texte est à paraître dans Libération du mercredi 7 mai.
[^2]: Cf. Faire des enfants demain, Seuil, 2014
[^3]: Voir A qui profitent les OGM ?, CNRS ed, 2012.
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