Punition collective en Cisjordanie

L’armée israélienne se livre à une vaste opération de répression après l’enlèvement de trois étudiants de colonies juives.

Denis Sieffert  • 26 juin 2014 abonné·es
Punition collective en Cisjordanie
© Photo : AFP PHOTO/ ABBAS MOMANI

Quelque 360 Palestiniens ont été arrêtés par l’armée israélienne en Cisjordanie et quatre civils ont été abattus, dont deux mineurs et un handicapé mental. Un cinquième était, lundi, en état de mort clinique. C’est le sinistre bilan de la vaste opération de répression conduite par Israël depuis l’enlèvement, le 12 juin, de trois étudiants d’écoles talmudiques situées dans une colonie juive de Cisjordanie. La technique israélienne est toujours la même : la punition collective. Car les victimes de cette opération n’ont évidemment rien à voir avec l’enlèvement des jeunes gens du bloc de colonies de Goush Etzion, au sud de Bethléem. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qui avait rapidement condamné l’enlèvement des étudiants israéliens et promis la collaboration de la police palestinienne, a dénoncé, dimanche, les « meurtres de sang-froid » commis par l’armée.

Israël profite de cette occasion pour cibler le Hamas, dont de nombreux cadres ont été arrêtés. Malgré le démenti formel du Hamas de toute implication dans l’enlèvement, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a prétendu avoir les preuves de la responsabilité du mouvement islamiste. Le plus probable, pourtant, c’est que l’enlèvement soit le fait d’éléments radicalisés qui n’appartiennent pas au Hamas. Une radicalisation est en effet prévisible à la suite de l’échec de la mission Kerry, fin avril. Un échec imputable au gouvernement israélien, qui n’a jamais cessé de coloniser pendant les pourparlers.

Israël est doublement intéressé à impliquer le Hamas dans cette affaire. D’une part, la droite au pouvoir et le parti des colons ont toujours encouragé par leur politique les mouvements les plus radicaux afin de justifier l’impossibilité de tout dialogue. L’opération de répression de ces derniers jours s’inscrit clairement dans cette stratégie. D’autre part, il s’agit de justifier le refus israélien de reconnaissance du gouvernement d’union nationale récemment constitué par le Hamas et le Fatah. Cela, alors que les États-Unis et l’Union européenne ont, au contraire, décidé d’entretenir des relations avec ce nouveau gouvernement de personnalités de la société civile. La politique ultra-répressive, doublée d’une colonisation record, sans le moindre espoir d’une issue politique, notamment après le désengagement américain, ne peut que favoriser le renforcement de groupes liés aux jihadistes qui agissent en Syrie et en Irak. L’enlèvement des trois jeunes colons israéliens a d’ailleurs été un temps revendiqué par une branche de l’État islamique en Irak et au Levant. Une revendication qui n’a pas été confirmée. Mais la contagion jihadiste dans les Territoires palestiniens est hélas à craindre à moyen terme. Toute la politique israélienne l’encourage. Et l’insoluble conflit israélo-palestinien constitue toujours la toile de fond originelle des désordres dans cette région du monde. Les Occidentaux nourrissent parfois l’illusion que ce conflit colonial s’éteindra de lui-même et qu’il sera relégué par les guerres alentour. Les événements de ces derniers jours viennent leur rappeler que cette guerre de basse intensité demeure centrale dans la région et pour tout le monde arabo-musulman. Sa résolution, par le retrait d’Israël des Territoires qu’il occupe, assécherait une partie du terreau de l’islamisme radical.

Monde
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