Réforme pénale : Taubira devra se battre
La ministre entame le marathon de sa réforme pénale. Avec des adversaires à droite comme à gauche.
dans l’hebdo N° 1306 Acheter ce numéro
Semaine capitale pour Christiane Taubira, qui a commencé à présenter, mardi 3 juin à l’Assemblée, son projet de loi relatif à la récidive et à l’individualisation des peines. Cette réforme tant attendue tient en trois volets : développer l’aide aux victimes (qui compte déjà une augmentation ces deux dernières années de cent bureaux d’aide aux victimes sur le territoire) ; lutter contre la récidive en évitant les sorties « sèches » et en favorisant le suivi des condamnés ; individualiser les peines à travers la « contrainte pénale » en milieu ouvert, soit une alternative à l’incarcération, pour les peines allant jusqu’à cinq ans de prison. Parce qu’il existe un arsenal de contraintes « bien plus efficaces que l’enfermement. Il ne s’agit pas de supprimer la prison, mais de sortir de la démagogie », a déclaré Christiane Taubira, le 27 mai, en présentant son projet devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, présidée par Jean-Jacques Urvoas.
C’est justement cette présentation qui aurait valu à la garde des Sceaux d’être interpellée par François Hollande, qui lui reproche d’avoir laissé passer un amendement (socialiste) étendant cette contrainte pénale à tous les délits, tout en sachant que le gouvernement et l’arbitrage de l’Élysée, à l’été 2013, ont fixé ses limites à cinq ans. Ce projet de loi est évidemment contesté à droite. Copé, Le Maire, Fenech ou encore Éric Ciotti, ardents chevaliers du tout-carcéral, ont annoncé le dépôt de 300 amendements, taxant la ministre de la Justice de laxisme et s’opposant à la suppression des peines planchers et à la contrainte pénale. Mais Christiane Taubira compte aussi des opposants dans les rangs de la majorité, contre l’aboutissement d’une réforme pourtant urgente, et bien inférieure à ce qu’elle devait figurer. En premier lieu, Manuel Valls et son successeur à l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. Au contraire, des députés PS, telle Colette Capdevielle, députée des Pyrénées-Atlantiques, militent pour une réforme plus en phase avec le projet initial de Taubira, sur le sens à donner à une peine. Pour le coup, cette réforme pourrait occasionner un bras de fer entre le gouvernement et des députés socialistes qui auront l’occasion de régler leur mécontentement. Les débats s’annoncent donc mouvementés. La garde des Sceaux en a l’habitude.