Arme de persuasion massive
L’Institut Montaigne et ses partenaires industriels poussent le gouvernement à sortir de la réglementation interdisant les gaz de schiste.
dans l’hebdo N° 1312 Acheter ce numéro
Le lobbying en faveur de l’exploitation des gaz de schiste est monté d’un cran avec la publication, le 11 juillet, d’un rapport de l’Institut Montaigne. Un coup de semonce au titre explicite : « Gaz de schiste : comment avancer ». Le think tank libéral – financé par de nombreux fleurons du CAC 40, dont Suez, Total, Vallourec et Veolia, quatre industriels très actifs dans l’exploitation des gaz de schiste aux États-Unis – a employé les grands moyens pour piétiner toute velléité d’opposition à l’exploration et à l’exploitation d’hydrocarbures dits non conventionnels en France. Le « statu quo sur le gaz de schiste privilégié par les autorités publiques françaises depuis 2011 est impossible », affirme le groupe de travail de l’Institut. Un groupe constitué de conseillers du Boston Consulting Group, numéro 1 mondial du conseil en stratégie d’entreprise, et de De Pardieu Brocas Maffei, l’un des plus grands cabinets d’avocats d’affaires français. La réglementation interdisant depuis le 13 juillet 2011 la fracturation hydraulique sur le sol français pour l’extraction de gaz de schiste est jetée aux orties, au nom d’un « différentiel de compétitivité très important entre l’Europe et les États-Unis » et de « la sécurité d’approvisionnement de la France » .
À cet argument classique les auteurs en ont ajouté un autre : la France s’est engagée sur le chemin de la transition énergétique en annonçant la réduction de 40 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, puis de 60 % en 2040. Un « processus progressif qui nécessitera une réflexion globale sur le mix énergétique français », le gaz de schiste, « complémentaire des énergies renouvelables », étant « une composante cruciale de cette transition énergétique ». Et le rapport insiste sur « le développement du gaz de schiste en France, [qui] doit faire partie d’une politique globale de réindustrialisation des territoires ». Sûrs de leurs propos, les auteurs prévoient une « éventuelle levée de l’interdiction » et prônent « des modifications du cadre réglementaire français » pour « répondre à l’exigence de transparence et d’information exprimée par la population ». Car le rapport anticipe un encadrement « des premiers projets d’exploration » et « à terme [des] projets d’exploitation, sur le modèle des systèmes de contrôle des impacts environnementaux développés par des pays voisins ». Si, avec ça, le gouvernement n’est pas convaincu…