Les experts, c’est nous !
De conflit en conflit, les intermittents sont devenus un modèle de savoir-pouvoir. Pour résister et proposer.
dans l’hebdo N° 1313-1315 Acheter ce numéro
Un parallèle avec Act Up ? Les intermittents sont devenus un modèle d’ empowerment. « Nous avons lu le protocole » et « nous avons une proposition à vous faire ». « Le savoir institué qui fait la loi est confronté aux savoirs de ceux sur qui cette loi agit », commentent Antonella Corsani et Maurizio Lazaretto [^2]. « Nous sommes les experts », inscrivent les intermittents sur leurs banderoles. « Nous avons nos propres experts », renchérit Samuel Churin, de la Coordination des intermittents et précaires, en riposte à l’Unédic. Parmi eux, Mathieu Grégoire et Olivier Pilmis, qui ont publié en février une étude désormais incontournable [^3]. Les deux chercheurs y analysent différents dispositifs d’indemnisation des intermittents pour conclure que celui des intéressés serait moins inégalitaire et pas plus coûteux que l’actuel. Et ce, en provoquant une hausse des effectifs uniquement de 4 % et en réduisant la précarité des « intermittents de l’intermittence » .
Cette étude bat en brèche des arguments rebattus par leurs adversaires : les intermittents ne sont pas des privilégiés puisqu’ils représentent 3,5 % des dépenses de l’Unedic et 3,4 % des allocataires. « Ils bénéficient d’un calcul adapté à leur mode de travail, mais pas d’avantages particuliers », souligne Mathieu Grégoire. Le modèle n’est pas déficitaire, ce sont les caisses de l’assurance-chômage qui le sont, alors que le principe d’une assurance est la bonne gestion de l’équilibre entre les gros et les petits. Par ailleurs, les intermittents dénoncent l’abandon par l’État au Medef du dossier de l’assurance chômage, un déni de démocratie. En outre, ils mettent en évidence la possibilité « d’une autre sortie du chômage de masse » qui prendrait la forme d’une « flexisécurité progressiste ». Pas facile à entendre pour une gauche qui, croyant encore au plein-emploi, biffe la dimension « progressiste » pour ne retenir que la « flexisécurité » chère au patronat. Les intermittents arguent pourtant qu’il s’agit d’une « ébauche de modèle » de socialisation des salaires. « Ce que nous défendons, nous le défendons pour tous », concluent les appels qui circulent cet été.
[^2]: Voir les bonnes feuilles de leur livre p. 31
[^3]: Quelle indemnisation chômage pour les intermittents du spectacle ? Modélisation et évaluation d’un régime alternatif, Mathieu Grégoire et Olivier Pilmis, Centre de recherche sur l’action publique et le politique, CNRS et Université de Picardie pour le Syndeac.