Marie-José Malis : « L’histoire, c’est ce qu’on en fait »
Marie-José Malis, directrice du Théâtre de la Commune, à Aubervilliers, a rendu publique, le 18 juin, une lettre ouverte dont nous publions un extrait.
dans l’hebdo N° 1310 Acheter ce numéro
« Nous irons à la grève, à la rage, nous verrons les plus petits qui n’ont rien à perdre se sacrifier parce que c’est encore au moins un acte. Les gens, au fond, cherchent toujours leur dignité. Qui peut croire qu’une politique de gauche soutiendra que ce sont là des douleurs nécessaires, un prix noble à payer pour quelque chose de mieux ? C’est à cette seule condition qu’une politique de gauche peut demander aux gens de sacrifier un peu, voire beaucoup, de ce qu’ils ont. Et d’ailleurs, souvent, les gens le font d’eux-mêmes. N’est-ce pas ainsi que dans les familles, dans les foyers, dans les lieux du travail, n’est-ce pas ainsi qu’on s’organise déjà, pour le bien des plus jeunes, des plus vieux, des plus fragiles ? On ne vous a pas attendus pour savoir que la crise est là, et partout où les gens sont laissés à leur intelligence propre et à leur sentiment sûr de la fraternité, ils font déjà ce qu’ils ont à faire. S’il est vrai que vous voulez éviter le péril infect des extrémismes, regardez où est le soleil vrai de la politique et de son idée même : il est dans le cœur des gens que vous humiliez et méprisez.
Mais, là… Là, aucun sens, à part le pire, n’est en jeu. Et il faudrait qu’on collabore comme si nous étions d’accord ? Restera donc la rage, et la fierté triste de ne pas avoir accepté. Je ne sais pas où ira le Théâtre de la Commune avec ça. Nous serons à Avignon, au cœur des circonstances, de dures circonstances si l’accord est agréé. Nous ferons ce que nous avons à faire, avec le plus d’empathie pour ceux qu’on blesse, et avec des actes. Mais je veux dire aussi que le moment est venu de se saisir de ces circonstances nulles pour en faire quelque chose que nous avons trop longtemps laissé courir. Sans doute entrons-nous dans une séquence longue de luttes mais aussi de travail nouveau. Il faudra que cette misérable affaire serve à quelque chose. Devant nous s’annoncent la baisse des crédits, la réforme territoriale, le non-désir, voire la déclaration hostile à ce que nous sommes. Donc, à nous maintenant de dire : l’histoire, c’est ce qu’on en fait. Nous travaillerons donc, non pas seulement à résister, mais à inventer un courant nouveau et souverain. Il faudra de la méthode, de la rigueur, de l’obstination et de la vérité, donc du courage. Et je sais que nous ne serons pas seuls, des camarades directeurs, artistes, techniciens, syndicalistes, gens de la coordination, public, hommes et femmes de la vie, seront là. Après tout, entre autres, ce sont les 50 ans du Théâtre de la Commune. »