Pour la critique (À flux détendu)

Réduite à l’énonciation d’une simple humeur ou d’un jugement à la bourse des valeurs, la critique reste dans le champ de la consommation sans créer l’espace du débat démocratique.

Christophe Kantcheff  • 24 juillet 2014 abonnés

Encore et toujours, il faut revenir sur la question de la critique. Non pour des raisons corporatistes, mais parce qu’il est nécessaire, pour les journalistes qui exercent cette activité, de réfléchir à leurs propres pratiques et d’interroger leurs présupposés idéologiques – comme celui de croire qu’ils n’en ont pas. Plus largement, et c’est le plus important, parce que les enjeux de la critique ont à voir avec la démocratie. Réduite à l’énonciation d’une simple humeur (« j’aime/j’aime pas ») ou d’un jugement à la bourse des valeurs (« c’est top/c’est nul »), la critique reste dans le champ de la consommation sans créer l’espace du débat démocratique. C’est malheureusement trop souvent le cas, comme le déplore une bonne part des articles que contient le dernier numéro de la revue Lignes (n° 44, juin 2014, 20 euros), intitulé « Situations de la critique ». « On ne lit plus que les livres programmés et désirés par l’actualité.  […] Pourquoi parler aux téléspectateurs d’un livre sans rapport avec l’actualité de tous puisque, dès lors, il est comme écrit dans une langue étrangère ? » (Jacques Brou). Certains contributeurs voient même, dans cet état de déshérence, « une stratégie afin de régner sur la population, en vue de désamorcer les révoltes, les émeutes contre l’état de choses inique d’un hypercapitalisme déchaîné » (Véronique Bergen). Pas sûr, cependant, que la théorie du complot soit la plus opérante. Une description précise des mécaniques d’aveuglement et d’uniformisation s’avère plus pertinente pour approcher les processus d’appauvrissement de la critique (Bertrand Leclair). Il est aussi utile de ne pas perdre de vue que « tout lecteur est un critique en puissance » (Alain Naze). Et un critique de la critique. D’où la responsabilité du public vis-à-vis de celle-ci. Ainsi, peut-être sera-t-elle sauvée par lui, et par l’exigence d’un véritable espace critique auquel il aspirerait à participer.

Culture
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