Réforme territoriale : un redécoupage précipité

La nouvelle carte, votée en première lecture sans véritable concertation, a toutes les caractéristiques d’un mauvais brouillon.

Michel Soudais  • 24 juillet 2014 abonnés
Réforme territoriale : un redécoupage précipité
© Photo : AFP PHOTO / JEAN-SEBASTIEN EVRARD

Rarement réforme territoriale aura été menée avec autant de rapidité et d’improvisation. Adopté en conseil des ministres le 18 juin, le projet de loi qui redécoupe les régions métropolitaines, et reporte à décembre 2015 les élections régionales et cantonales de mars prochain, devait être approuvé par les députés en première lecture le 23 juillet, après un passage tumultueux au Sénat. En cinq semaines à peine, le texte sera donc passé par les deux chambres. Une vraie prouesse !

D’ordinaire, six semaines sont nécessaires pour l’examen d’un texte en commission, une étape qui n’est que le préalable à la discussion en séance plénière. Et, une fois celle-ci terminée – dans le meilleur des cas après dix jours de débat –, il faut compter le même délai dans la seconde chambre parlementaire. Mais la Constitution de la Ve République offre au gouvernement une palette de moyens pour limiter les débats. Dont le recours à une « procédure accélérée », qui permet de raccourcir considérablement le temps consacré à l’examen en commission d’un texte. C’est cette procédure qui a été retenue pour cette réforme, contre l’avis du Sénat mais avec l’accord de l’Assemblée nationale. En outre, pour boucler fin juillet, comme il le voulait, la première lecture de sa réforme, le gouvernement n’a pas hésité à recourir au « temps législatif programmé ». Une contrainte inventée par Nicolas Sarkozy (et décriée alors par la gauche, PS compris), qui limite drastiquement la durée des débats sur les articles et les amendements d’un texte. Cette célérité est dictée par deux impératifs : l’un électoral, l’autre politique. En ce qui concerne le texte comportant un report des régionales et des cantonales à décembre 2015, le gouvernement doit impérativement le faire adopter un an avant cette date. Il doit aussi honorer l’engagement pris auprès de la Commission européenne de simplifier notre organisation administrative. Mais cet empressement a son revers : l’improvisation. Pour justifier sa réforme ramenant de 22 à 14 (Corse comprise) le nombre de régions métropolitaines, le gouvernement avait mis en avant la nécessité d’avoir des régions de taille européenne. Pour ce faire, son projet initial, dessiné en une soirée par François Hollande depuis son bureau à l’Élysée, avait prévu de regrouper le Centre, le Limousin et Poitou-Charentes, trois régions à dominante rurale et peu peuplées. Or, dans la nouvelle carte à 13 régions adoptée par l’Assemblée, et approuvée par le gouvernement, le Centre reste isolé. Cette région aurait-elle subitement retrouvé une dimension européenne ? Évidemment non.

La nouvelle carte des régions adoptée par l’Assemblée nationale, et décidée en réunion de groupe du PS (par 72 voix sur 94), rattache également la Champagne-Ardenne à l’Alsace et à la Lorraine, et la Picardie au Nord-Pas-de-Calais. Elle a suscité la colère de Martine Aubry : « On est en train de faire du Monopoly, de jouer à Sim City sans demander l’avis des élus concernés. » Ce n’est pas le seul défaut d’un projet qui a choisi de redéfinir les frontières des régions sans avoir défini leurs compétences, puisque le texte qui en décidera sera discuté plus tard. Bref, les parlementaires discutent des contenants sans connaître leur contenu. Le gouvernement lui-même paraît si peu sûr de son projet qu’il a accepté un amendement permettant aux nouvelles régions, sur la base du volontariat, de fusionner après 2016 afin de résoudre des difficultés laissées en suspens. Ce qui revient à avouer l’improvisation.

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