Travail, temps libre, tous intermittents ?
Quelle protection sociale pour quelles formes de travail ? C’est la question majeure que posent les intermittents, qui sont aussi force de propositions.
dans l’hebdo N° 1313-1315 Acheter ce numéro
Musiciens, comédiens, artistes, mais aussi écrivains, pigistes, chercheurs, philosophes… Dans certaines professions, le temps de travail s’étire et déborde le reste du temps. Comment parler des intermittents sans s’interroger sur la dissociation entre travail et emploi, sur la valeur du travail non rémunéré et sur la difficulté de dire quand le travail s’arrête ? « Ce que nous défendons, nous le défendons pour tous », clament les intermittents. Sur les scènes ou dans les rues, depuis janvier, date à laquelle le mouvement a été relancé. Dans la continuité de l’été 2003 et de ses grèves mémorables, ils tentent de faire entendre que leurs revendications ne sont pas corporatistes. Il ne s’agit pas d’épargner les « privilèges » d’artistes et de techniciens du spectacle qui seraient protégés des aléas de l’emploi au nom d’une quelconque exception culturelle. Mais de défendre des droits sociaux adaptés à la discontinuité de l’emploi : soit des contrats de travail associés à des projets limités dans le temps, que ce soit quelques heures ou quelques années. Dessinent-ils un nouveau modèle de société ? En 2014, 6 chômeurs sur 10 ne sont pas indemnisés. Les contrats précaires et les CDD de plus en plus courts explosent. Le taux de chômage est tel que nombre de personnes sont conduites à accepter n’importe quel travail dans n’importe quelles conditions. Le plein-emploi n’existe plus. Quelle protection sociale pour quelles formes de travail ? C’est la question majeure que posent les intermittents. Ils ne sont pas seulement engagés dans une lutte contre le projet patronal de mise en concurrence généralisée des travailleurs, ils sont aussi force de propositions. Et leurs réflexions interrogent la manière dont on travaille aujourd’hui et dont on veut travailler demain. Avec une remise en cause des représentations traditionnelles et une interrogation sur le sens du temps « libre ». Des réflexions qui dérangent, en particulier à gauche, parce qu’elles vont jusqu’à émettre l’hypothèse d’une « flexisécurité progressiste ». Elles titillent aussi parce qu’elles portent l’utopie d’une émancipation qui irait jusqu’à choisir son temps de travail. Les intermittents lancent des pistes. C’est pour cela qu’il faut non seulement défendre leur régime, en ce qu’il pourrait en inspirer d’autres, mais aussi le comprendre, dans son fonctionnement quotidien. D’où ce dossier en deux temps, le premier consacré à la réalité de l’intermittence, le second à ce qu’elle permet d’imaginer. Le réseau Repas (Réseaux d’échanges et de pratiques alternatives et solidaires) associe travail et rêve. Et pourquoi pas ?
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