Christian Paul : « Nous ne sommes pas condamnés à échouer »

Les frondeurs ne se voient pas comme une force d’opposition, assure Christian Paul, tout en demandant un changement de ligne politique.

Michel Soudais  • 4 septembre 2014 abonné·es
Christian Paul : « Nous ne sommes pas condamnés à échouer »
© **Christian Paul** est député de la Nièvre, ex-secrétaire d’État à l’Outre-mer. Photo : AFP PHOTO / ALEXANDER KLEIN

Après avoir présenté dans un amphi bondé l’appel en forme de manifeste du collectif Vive la gauche, destiné à appuyer les députés frondeurs, Christian Paul nous a livré son état d’esprit et celui de ses amis.

Comment analysez-vous le gouvernement Valls 2 ?

Christian Paul : Il est né dans des conditions d’une grande brutalité, avec le départ de deux ministres emblématiques de ces deux dernières années, Arnaud Montebourg, qui a contribué à réinventer une politique industrielle, et Benoît Hamon, à l’Économie sociale et solidaire, puis brièvement à l’Éducation nationale. Et aussi celui d’Aurélie Filippetti, qui a agi par conviction dans la foulée. S’est ensuivie une semaine qui a pris à contre-pied des engagements et des principes – avec le discours de Manuel Valls au rassemblement du Medef, son renoncement à l’encadrement des loyers… Face à cette offensive, nous avons la volonté de nous interposer. Pas comme une opposition, mais comme une force d’interposition, des casques bleus. Nous allons aussi continuer, comme nous l’avons fait depuis le mois de mai, à faire des propositions dans le débat budgétaire pour faire entendre une alternative sérieuse, réellement différente.

À ce jour, voteriez-vous la confiance ?

Nous demandons un changement de politique économique. Chaque jour qui passe rend le vote de confiance plus difficile pour beaucoup de députés socialistes. Nous prendrons la décision collectivement au début de la session parlementaire. Mais la semaine que nous venons de vivre, avec l’abandon de nombreux engagements, ne nous pousse pas à donner notre confiance.

La réunion de lancement de Vive la gauche a rassemblé très largement. Ce collectif présage-t-il d’une « grosse motion » capable de gagner le parti ?

Il y a deux choses que nous ne voulons pas : lancer les compétitions entre des leaders, ce qui est mortifère, ou nous engager dans un congrès alors que nous n’en connaissons pas la date, ce qui est un problème. Samedi matin, nous avons voulu montrer ensemble, avec les militants qui étaient là, qu’on peut être à la fois fidèle aux valeurs de la gauche et chercher des réponses modernes en matière économiques, fiscales, sociales, de mode de développement. Et nous l’avons fait à plusieurs voix. On nous reproche parfois de ne pas avoir un leader ou un candidat à la présidentielle. Mais si cette élection avait lieu aujourd’hui, la gauche la perdrait. La question qui nous taraude, c’est plutôt de reconstruire un projet politique à faire partager au gouvernement.

Que pensez-vous de la menace de dissolution en cas d’indiscipline ?

Je n’y crois pas. Nous n’avons pas pour but de faire tomber le gouvernement. Même sous la Ve République, le gouvernement doit dialoguer, débattre, échanger avec sa majorité. Quand il ne le fait pas suffisamment, quand il s’éloigne de ses engagements, il se crée lui-même les difficultés politiques dans lesquelles il se trouve. Et aujourd’hui, si on s’interroge sur la confiance et la dissolution, qui sont des actes graves, la dissolution dépend du président de la République. S’il désigne un Premier ministre et un gouvernement porteurs d’un programme dans le droit fil de ses engagements de 2012, il a une large majorité à l’Assemblée nationale.

Manuel Valls sifflé et hué à son arrivée à La Rochelle…

Ce n’est pas un spectacle qui peut réjouir un socialiste. Quand la gauche exerce le pouvoir, ce n’est jamais facile. Je ne crois pas toutefois qu’il existe une malédiction. Nous ne sommes pas condamnés à échouer ni à nous couper du peuple. Il nous faut trouver des réponses qui permettent de retrouver un dialogue social plus authentique.

L’électorat de gauche est déboussolé par l’image que le gouvernement donne du « socialisme ». Comptez-vous vous adresser à lui ?

Nous sommes partis d’une initiative parlementaire, là où les choix devaient être faits. Je souhaite qu’elle sache garder un dialogue ouvert avec les Français et tous ceux qui sont « démoralisés », comme l’a dit samedi Christiane Taubira. Il y a dans les entreprises, le monde syndical, les associations, la culture, parmi les chercheurs, des milliers de gens qui considèrent que notre initiative est utile mais veulent en savoir davantage. Nous prendrons donc des initiatives dans les temps qui viennent pour un dialogue direct avec les Français qui le souhaitent. Les institutions et les partis ont leur rôle, même si celui-ci est mis à mal par une pratique politique qui est plus soumise à la pression de l’opinion que portée par la confiance des citoyens – c’est pour moi, depuis longtemps, un motif d’inquiétude. Mais la politique ne peut pas être enfermée dans les institutions et les partis.

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