États-Unis : les salariés de fast-foods en grève
Les employés de la restauration rapide se mobilisent pour le doublement du revenu minimum. Correspondance, Alexis Buisson.
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«Je fais de mon mieux pour m’en sortir. Je demande de l’argent à mon entourage, à mon église… » À 31 ans, Andrew McConnell tente de survivre. Ce père qui élève seul ses cinq enfants à Kansas City, dans le centre des États-Unis, travaille à temps partiel chez McDonald’s pour 7,45 dollars (environ 5,75 euros) de l’heure. En parallèle, il vend des produits de beauté. « C’est difficile. On se retrouve à faire des choix en permanence : payer l’essence ou le loyer, les factures d’électricité ou la nourriture… » Dans les fast-foods de l’Amérique, la misère est légion. Pour lutter contre cette précarisation, Andrew McConnell et plusieurs milliers de travailleurs du secteur sont descendus le 4 septembre dans les rues de 150 villes américaines pour réclamer une augmentation du salaire minimum. Un montant dérisoire : 7,25 dollars (5,60 euros) au niveau fédéral. « Pas assez pour vivre », affirment ces forçats de la restauration rapide. Réunis dans des coalitions locales comme « Fast Food Forward » ou « Fight for 15 », ils réclament le doublement de cette somme : 15 dollars de l’heure. « Nous pouvons y parvenir. Même un petit coup de pouce serait le bienvenu. Et si ce n’est pas assez, nous nous battrons », affirme Andrew.
Cela faisait longtemps que le salaire minimum n’avait pas mobilisé aux États-Unis. Sa dernière augmentation remonte à 2009. Puis la crise en a eu raison. Mais, avec le recul du chômage et l’embellie de l’économie américaine, le sujet revient sur la table. En septembre, soutenu par une opinion publique majoritairement favorable, Barack Obama a réaffirmé son intention de le relever à 10,10 dollars de l’heure. Une mesure qui, si elle avait été prise en 2011, aurait poussé pas moins de 5 millions de travailleurs au-dessus du seuil de pauvreté, selon une étude réalisée cette même année par le lobby Restaurant Opportunities Centers United. Et les rangs des grévistes continuent de grossir : l’action nationale du 4 septembre est la plus importante à ce jour. « Contrairement aux mouvements de travailleurs classiques, les groupes d’employés issus de la restauration rapide, comme Fight for 15, envisagent leur action sur le long terme. Les syndicats ont travaillé avec des leaders locaux, comme des responsables associatifs et d’églises, pour protéger les grévistes. Si l’un d’eux se fait licencier, un pasteur peut appeler ses fidèles à boycotter McDonald’s ou Pizza Hut », explique Steven Ashby, spécialiste des mouvements de travailleurs et enseignant à l’université de l’Illinois.
À sa création, en 1938, sous l’impulsion de Franklin D. Roosevelt, le salaire minimum fédéral était de 0,25 dollar de l’heure. L’opposition d’une partie du patronat et des conservateurs explique sa lente augmentation, en moyenne un dollar tous les dix ans jusqu’à présent. En 1997, Bill Clinton autorise les villes, les comtés et les États à adopter leur propre salaire minimum, avec pour conséquence une myriade de planchers. L’État le plus « généreux » est Washington, à l’ouest du pays, où il est exclu que les travailleurs soient payés en dessous de 9,32 dollars (7,19 euros). Ces planchers ne peuvent pas être inférieurs au salaire minimum fixé au niveau fédéral par le Congrès. Problème : en dollars réels (sans l’effet de l’inflation), ce salaire minimum n’a cessé de chuter depuis 1968. Il est aujourd’hui le plus faible de tous les pays développés. Barack Obama espérait augmenter le smic avant les élections de mi-mandat en novembre. Il n’en sera rien. Les Républicains, qui contrôlent la Chambre des représentants, y sont opposés. Tout comme plusieurs grands syndicats de patrons. Et certains économistes, divisés sur les bienfaits du salaire minimum, mettent en garde contre un relèvement soudain et important dans un contexte de reprise. Pour le moment, le Président s’est donc limité à signer une ordonnance qui augmentera à 10,10 dollars le salaire minimum, mais uniquement pour les travailleurs en contrat avec l’État fédéral. Entrée en vigueur de la mesure : le 1er janvier 2015. « Les États-Unis sont un pays étrange. Nous avons des entreprises magnifiques, comme Facebook, Google, Apple, mais aussi les pires lois du travail. Les Américains commencent à le réaliser, résume Steven Ashby. Mais, avec la droitisation du parti républicain et le manque de visibilité des pauvres dans les campagnes électorales, rien ne change à la Chambre des représentants. Nous verrons… »