Là-bas s’ils résistent

Après la suppression de « Là-bas si j’y suis », sur France Inter, les reporters de l’émission de Daniel Mermet reviennent à l’antenne. Avec le même parti pris.

Jean-Claude Renard  • 4 septembre 2014 abonné·es

Dans l’univers des médias, ç’aura été le fait marquant de l’année : l’arrêt de « Là-bas si j’y suis », à la stupéfaction générale, après vingt-cinq ans d’existence, en dépit d’une pétition pour son maintien rassemblant plus de 170 000 signatures et une audience flirtant avec les 500 000 auditeurs. Aujourd’hui, Daniel Mermet annonce le retour de son émission sur Internet. Ou plutôt, il s’y prépare et prévoit cette renaissance pour janvier 2015 (après une souscription ouverte à l’occasion de la Fête de l’Huma). Elle devrait fonctionner sur abonnement, comme « Arrêt sur images » (créé par Daniel Schneidermann après la suppression brutale de son émission sur France 5, en 2007), et présenter une série de reportages, suivant sa marque de fabrique. Il était d’ailleurs assez piquant de voir Daniel Mermet tenir une conférence de presse sur son projet au théâtre du Ranelagh, à deux encablures de la Maison ronde, le jour même où Radio France présentait ses grilles de rentrée, le mercredi 27 août.

L’esprit de « Là-bas si j’y suis » ne disparaît pas pour autant complètement de l’antenne de France Inter. En effet, ses reporters ont obtenu une émission hebdomadaire dans la grille de rentrée, « Comme un bruit qui court », animée par le trio Giv Anquetil, Charlotte Perry et Antoine Chao. Trois piliers expérimentés de l’émission. Le premier était arrivé chez Mermet en 1997, la seconde en 2007 et Antoine Chao en 2001. Pour ce dernier, il s’agit « de poursuivre le travail en apportant une résistance au monde néolibéral qui nous entoure, avec différents reportages sur des questions qui nous interpellent depuis longtemps, sociales, politiques, environnementales ». Si l’équipe se revendique de l’école « Là-bas si j’y suis », la forme de la nouvelle émission sera sensiblement différente, articulée autour de trois sujets. Antoine Chao le confie : « On est encore en pleine construction de ce rendez-vous. Cela s’est fait un peu dans l’urgence, pour garder un moment d’esprit critique et de compréhension du monde avec nos convictions. Au-delà de son émission, Daniel Mermet se souciait aussi de ce que deviendrait son équipe, des obligations envers les auditeurs. Le projet a donc été imaginé en quelques jours. » Anquetil, Perry et Chao ont endossé le statut de producteurs, d’autres sont restés avec leur contrat de pigiste (comme beaucoup à Radio France). Dans un premier temps, le trio a obtenu le budget nécessaire aux reportages, qui devrait leur permettre de sortir des frontières une fois par mois tout en réalisant d’autres reportages en France. Au menu à venir, l’université du Medef, un retour sur la Résistance en Bretagne, entre miliciens et maquisards, un direct depuis la Fête de l’Humanité, un reportage aux États-Unis, les conditions de vie de réfugiés menacés d’expulsion dans un village… Des travaux parfois au long cours, en gardant également les yeux ouverts sur l’actualité en Europe et dans le monde. « On espère que les budgets s’étofferont pour être à la hauteur de nos envies et de nos motivations », ajoute Antoine Chao.

Ravi et rassuré, le trio ? « On est surtout contents qu’il reste quelque chose de “Là-bas si j’y suis”, précise Antoine Chao, de pouvoir reconstruire un espace de réflexion plus ou moins différent, avec tout notre savoir-faire. » Il n’en reste pas moins que cet esprit de résistance aura beaucoup perdu en temps d’antenne, passant donc d’une quotidienne (du lundi au jeudi) à une hebdomadaire (le samedi). « Là-bas si j’y suis » était presque une anomalie dans le paysage, une tranche de pluralisme à la marge. On écoutait réellement « la différence », selon le slogan de la station il y a quelques années. « C’était un espace de liberté à côté de la pensée dominante, observe Antoine Chao, mais c’est aussi notre devoir de le maintenir, d’en créer un autre. » Et Giv Anquetil de préciser : « “Comme un bruit qui court” est une niche qu’on a envie de déployer sur un grand terrain de jeu. » Gageons que les auditeurs seront au rendez-vous de ce bruit.

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