La gauche renoue le dialogue

Réunie samedi dernier, la coalition a affiché son unité dans l’écoute et le respect. Mais chacun est resté sur ses positions et les débats se poursuivent pour définir une stratégie commune.

Pauline Graulle  • 11 septembre 2014 abonné·es
La gauche renoue le dialogue
© Photo : Michel Soudais

On n’avait pas vu ça depuis des mois : Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent assis côte à côte, et plutôt détendus, au premier rang. Samedi, la très attendue réunion nationale du Front de gauche, organisée à la mairie de Montreuil (Seine-Saint-Denis), aura au moins servi à cela. Afficher, à l’issue d’une journée d’échanges, une certaine unité à défaut de pouvoir montrer une combativité certaine. Si personne ne s’attendait à un rétablissement subit du mouvement, en crise interne depuis un an, tout le monde a dû se rendre à l’évidence : en dépit de la bonne volonté des quelque 200 participants, dont l’ensemble des chefs des formations de la coalition, le redémarrage du Front de gauche nécessitera encore un peu de temps.

Tout au long de la journée, on a pourtant rivalisé de volontarisme à la tribune. Persuadé que « l’insurrection aura lieu », Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) s’est dit « pour tout ce qui permettra d’enraciner le Front de gauche ». Clémentine Autain (Ensemble !) a réitéré la nécessité de reconstruire une « espérance commune » et un « imaginaire politique ». Quant à Pierre Laurent (PCF), il a appelé à  « un immense effort de rassemblement ». « Cette réunion n’a été ni “quitte” ni “double” pour le Front de gauche. On a fait un autre choix : c’est que ça continue », a ironisé, en marge des débats, Éric Coquerel, porte-parole du Parti de gauche (PG), en référence au titre de l’article que nous avions publié la semaine dernière. Las ! Suffit-il de décréter que « ça continue » pour que le Front de gauche survive comme un mouvement politique à part entière ? « On est tous d’accord pour l’union, mais pour faire quoi ? », s’interroge une participante communiste, qui estime que, « sans bases politiques claires, on n’arrivera pas à avancer ensemble ». « On est venus avec une petite inquiétude qui est levée, mais le problème demeure », résume Samy Johsua, chef de file d’Ensemble ! à Marseille. Tous partagent le même constat sur la nature de la mutation imposée par la direction du PS. Et admettent ne plus rien avoir en commun avec Manuel Valls et François Hollande.

Mais des divergences demeurent. Certes, pour une fois, la pomme de discorde des alliances (notamment avec le PS) a été abordée dans le calme. « Cela faisait longtemps qu’on ne s’était pas parlé aussi franchement », affirme l’historien du PCF Roger Martelli, proche d’Ensemble ! « On a discuté dans un très bon climat, dans l’écoute, le respect », s’est aussi félicité Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF. Pas toutefois jusqu’à faire bouger les lignes sur les questions des adhésions directes, des campagnes communes à venir, et surtout, du périmètre du rassemblement… Le débat sur la stratégie du Front de gauche, surtout, reste vivace. « D’un côté, Mélenchon a l’idée que la transformation du PS en un parti à la Tony Blair est irréversible et qu’il faut une rupture claire avec le PS pour mettre les dissidents au pied du mur. De l’autre, le PCF veut créer les conditions pour faciliter un rassemblement, mais en le travaillant de l’intérieur », analyse Roger Martelli. « Chacun est resté sur sa position », constate Samy Johsua, néanmoins persuadé que la « ligne Mélenchon » convainc «  la majorité des gens ». « Évidemment qu’on ne peut pas s’adresser à l’appareil PS, explique Martine Billard, ex-coprésidente du PG. Il y a un tel rejet des partis politiques qu’on ne peut pas apparaître dans des bagarres d’alliances. » Ce qui n’a pourtant rien de vraiment « évident » pour Olivier Dartigolles : « Bien malin celui qui pourra dire quelle sera la situation politique dans six mois. Entre le vote de confiance, l’arbitrage budgétaire, la mise en place de la nouvelle Commission européenne, il va y avoir des convulsions, des soubresauts. »

Dans ce contexte mouvementé, le Front de gauche cherche encore son chemin. « La question, c’est comment on fait pour permettre au peuple d’être à nouveau acteur dans cette affaire, estime Éric Coquerel. Certains veulent une interpellation du PS, d’autres un mouvement pour la VIe République, d’autres des assises écologiques et sociales… » Pour Christophe Aguitton, militant altermondialiste (Ensemble !), la difficulté est de « combiner deux axes indispensables »  : le rassemblement des forces politiques existantes en rupture avec le gouvernement et une campagne qui s’adresse à la population du pays, par-delà les cercles militants. Voilà qui promet encore bien des débats.

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