Le nom d’un piège (À flux détendu)

C’est un jeune homme bien mis qui sait se placer. Augustin Trapenard, le « critique littéraire » en vue, la valeur en hausse, l’espoir le plus coté. Il fut à Elle, sur Nova, sur France Culture. Le voici toujours plus visible, sur France Inter, dans son émission « Boomerang », où il reçoit chaque jour un invité culturel ; à Canal +, dans « le Grand Journal », où il est chroniqueur de livres. Chaque génération médiatique fabrique désormais son Trapenard. François Busnel, dont les dents avaient naguère le même profil, n’a, l’usure venant, qu’à bien se tenir.

Ce qui est chouette chez Trapenard, c’est qu’à l’ambitieux s’ajoute le laborieux. À la presse qui déjà le portraitise, il invoque sa vie monacale, son obsession de lire, son inappétence au divertissement. À voir le goût qu’il a à se soumettre à toutes les guignolades du « Grand Journal », parfois douteuses, on se dit que le Trapenard est relatif. Mais l’homme peut aussi s’échauffer pour un livre, et éblouir : «  Pour moi, c’est ça la littérature, c’est quand on se rend compte que les mots, ça peut être de l’art. » Un normalien, ça a de la verve.

Le jeune pertinent se doit aussi d’être curieux. Augustin Trapenard a l’âme d’un découvreur. En quinze jours d’émission sur Inter, il a convié Amélie Nothomb, Frédéric Beigbeder, Michel Houellebecq, David Foenkinos, Olivier Adam ou encore cet invité « exceptionnel »  : Luc Besson. « Moi, je veux renouer avec la parole de l’artiste, s’est épanché Trapenard dans la presse. Une parole importante qu’on entend de moins en moins et qu’on a tendance à faire taire car elle dérange le monde et inquiète le réel. » C’est sans doute parce que Beigbeder ou Besson, ces quasi censurés, bouleversent autant l’ordre des choses que leur intervieweur a excellé dans le rôle de leur obligé.

Augustin Trapenard est la petite gloire qui monte. Il porte le nom d’un piège : celui qui guette tous ceux que démange l’appétit de célébrité.